Encre brute roman, roman

Jérôme Baccelli

Pierre-Guillaume de Roux

  • Conseillé par
    10 mai 2013

    Au royaume de Babel vivaient deux enfants, deux amis. Ils étaient pauvres tous les deux mais Sharif Norouz le premier était élevé dans l'amour et la poésie par un père aimant quand le deuxième, Al-Majid, fils d'un violeur et d'une prostituée, vivait dans la haine et le désir de vengeance. En devenant des hommes, ils prirent deux chemins différents. Poète, Sharif noircissait ses carnets de ses vers inspirés. Invulnérable grâce au pouvoir de ses mots, il traversait les guerres et la misère, rêvant de liberté, d'Italie et de la belle Yasmine.

    Pendant ce temps, Al-Majid devenait prophète en son pays, soumettait le peuple, assassinait à tour de bras et se rêvait écrivain. Mais écrire n'est pas chose facile et Al-Majid, cherchant une inspiration insaisissable, déclenchait une guerre avec le pays voisin, traitait le monde entier en ennemi, faisait couler le sang, mais toujours, en vain. Alors, il envahit un émirat, mit les puits de pétrole en feu, viola des femmes, tua encore et toujours. Mais ces guerres servaient le poète qui en nourrissait sa poésie pendant que le Raïs gardait plume sèche. Fou de jalousie, il enferma son ami d'enfance pour lui voler son inspiration. Un livre vit le jour mais sans connaitre la reconnaissance en dehors des frontières du pays. Frustré, aveugle et sourd à tout ce qui n'était pas l'écriture, trahi par ses conseillers, le Raïs ne vit pas venir le danger que le nouveau Prince d'Amérique faisait peser sur son pouvoir. Son obsession le mena à sa perte tandis que Sharif, exilé en Italie, découvrait que les poètes sont toujours maudits.

    L'Irak sert de décor à ce conte des mille et une nuits avec ses déserts, ses champs de pétrole d'où coule cette encre brute comme le sang coule des mains du dictateur, ses palais richement ornés qui étouffent les cris de souffrance des opposants au régime. On y suit la solitude et la folie d'un homme violent, sanguinaire et paranoïaque, qui a fait de la terreur son mode de vie, qui ne peut faire confiance à personne parce qu'on lui ment pour garder la vie, qu'on lui cache tout pour sauver sa peau. Face à lui, le poète oppose au totalitarisme la beauté de ses vers . Nourris par ses visions d'une Babylone fantasmée, il demeure intouchable, il devient immortel. Le dictateur n'aura de cesse de s'approprier son inspiration, quitte à sacrifier son peuple, mais rien ne viendra à bout du pouvoir des mots.
    Portée par la très belle écriture de Jérôme BACCELLI, cette histoire a le souffle des grandes épopées antiques. Violence et poésie, mort et amour, noirceur et beauté se volent la vedette à tour de rôle pour emporter le lecteur vers la magie du Moyen-Orient. Un livre époustouflant!