Une semaine dans la vie de Nicolas Savinski, roman
EAN13
9782809800838
ISBN
978-2-8098-0083-8
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
Roman français
Nombre de pages
183
Dimensions
22,5 x 14 cm
Poids
260 g
Langue
français
Code dewey
843
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Une semaine dans la vie de Nicolas Savinski

roman

De

Archipel

Roman français

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DU MÊME AUTEUR

Nos amis les chanteurs, vol. 1, 2, et 3, Les Belles Lettres, 1992-1995.

Cent nouvelles d'elles, Les Belles Lettres, 1997.

La Peine de mort, Éditions du Rocher, 1999.

Georges Brassens, histoire d'une vie (avec Marc Robine), Fixot, 2001.

Renaud, Bouquin d'enfer, Éditions du Rocher, 2002.

Renaud, sa vie et ses chansons, Seghers, 2002.

À la recherche de Richard Brautigan, Le Castor Astral, 2003.

La Levantine, Éditions du Rocher, 2003.

Venise en décembre, Éditions du Rocher, 2003.

Paris-Montréal express, Éditions du Rocher, 2004.

Hôtel Westminster suivi de Le Voyage à Venise, Éditions du Rocher, 2005.

Textes verts et textes divers, Éditions du Rocher, 2005.

Renaud raconté par sa tribu (avec Jean-Louis Crimon), L'Archipel, 2006.

Le Roman de Renaud, Éditions du Rocher, 2006.

Vanitas, Éditions du Rocher, 2007.

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eISBN 978-2-8098-1110-0

Copyright © L'Archipel, 2008.

Pour Frédérique, n'est-ce pas ?

« Un jour, tu sais, je m'assiérai, fermerai boutique et plus jamais je n'écrirai de lettre, n'irai rendre visite à quelqu'un ni n'ouvrirai la bouche. Chaque jour, je trouve de plus en plus difficile de satisfaire aux exigences de l'existence. Pour le moment, j'ai le sentiment d'être complètement éberlué. C'est, j'imagine, ce que les feuilles tombées de leur arbre doivent ressentir jusqu'à leur mort. »

T. E. Lawrence, Dépêches secrètes d'Arabie.

I

GIPSY À TROUVILLE

Il marchait à longues enjambées sur le quai de la gare de Trouville-Deauville. Il était 14 h 02, il arrivait de Paris. Il était vêtu avec une élégance décontractée, mocassins de prix, costume de lin blanc sur une chemise bleue au col échancré. Son beau visage pâle semblait taillé dans le marbre : nez aquilin, menton volontaire, le front haut tombant sur des yeux bleu-vert qui vous transperçaient.

Il s'appelait Nicolas Savinski et il était seul sur la terre. Il était peintre, il était immensément riche, il devait avoir cinquante ans.

À peine sorti de la gare (il ne portait à l'épaule qu'un sac de cuir noir), il prit sur la droite, vers le proche pont des Belges, qui enjambe la Touques et réunit les bourgades de Deauville et de Trouville.

Arrivé sur le pont, il fit une chose étrange : insouciant du trafic – à vrai dire peu intense en ce mardi après-midi de mai –, il se dirigea vers le milieu de la chaussée et marcha d'un pas rapide vers l'extrémité trouvillaise. Il était phobique des ponts.

À hauteur de Il Parasole, un restaurant italien qu'il aimait bien, il prit la rue des Écores et la remonta jusqu'au numéro 49. Arrivé devant la porte, il sortit un trousseau de clés et ouvrit. C'était une maison de pêcheur, très étroite et de cinq étages desservis par un escalier de bois vermoulu. Nicolas en avait fait son atelier trouvillais. Cinq étages, dix pièces remplies de toiles, certaines encore inachevées, de palettes, de tubes de peinture et d'innombrables pinceaux, spatules et couteaux. Il aimait venir peindre ici, au moins une semaine par mois. Il aimait la lumière de Trouville, si changeante, grise au matin, puis d'un bleu pâle vers midi, et enfin d'un bleu plus soutenu en fin de journée, suivant les saisons et les marées.

Bien évidemment, Nicolas n'habitait pas ici. Depuis cinq ans, il louait à l'année une suite à l'hôtel Flaubert, un appartement très simple mais joliment meublé qui lui convenait parfaitement. Le soir, il allait dîner dans un des nombreux restaurants du coin, manger du homard, ou plus simplement des moules, puis il allait jouer une heure ou deux à la roulette anglaise du casino. Secrètement, il espérait perdre, perdre cet argent dont il avait hérité, qu'il n'avait pas gagné et dont il eût aimé se débarrasser. Mais il était si riche... Il aurait pu acheter au comptant les casinos de Trouville et de Deauville !

Il jouait... et il gagnait ! Toujours les mêmes numéros, depuis des années. Il gagnait, et cela ne lui faisait ni chaud ni froid. Il gagnait sans sourciller cent mille euros, tandis que d'autres exultaient d'en avoir gagné cent... Eût-il voulu perdre qu'il n'y serait pas parvenu, comme si quelque divinit é facétieuse s'était ingéniée à le faire gagner. C'en était désespérant. Pourquoi les pauvres perdaient-ils? se demandait-il souvent, alors que lui, si riche, ne cessait de gagner ? Y avait-il une logique quelconque dans tout cela ? En tout cas, il n'y avait pas de justice.

Il fit le tour de son atelier, inspectant chaque pièce pour observer l'avancée de ses travaux. Il avait noté que trois tableaux méritaient d'être achevés. Il se mettrait au travail le lendemain matin. En attendant, il avait envie d'aller faire une petite sieste au Flaubert, avant d'effectuer une longue promenade sur la plage, jusqu'aux Roches-Noires par exemple. Il aimait particulièrement cette époque de l'année, sans touristes braillards, sans enfants criards.

D'humeur plutôt joyeuse – ce qui, chez ce juif d'origine slave, était rarissime –, il descendit l'escalier jusqu'au rez-de-chaussée : il était plus court de passer par le bas, par l'impasse Tison, laquelle donnait sur le boulevard Fernand-Moureaux.

Son sac à l'épaule, il se dirigea vers le casino. L'hôtel Flaubert, qui donnait sur la mer, se trouvait à moins de cent mètres de ce temple des jeux.

L'hôtel Flaubert, de style normand, ne comprenait que trente-trois chambres et une suite, la sienne. La décoration en était simple. Pour l'essentiel, des meubles en bois datant du début du XXe siècle. Calme et simplicité, voilà ce à quoi aspirait Nicolas. Il détestait le clinquant vulgaire des hôtels modernes, leur luxe tapageur et inutile. Nicolas avait beaucoup voyagé. Il connaissait presque tous les « Relais et châteaux » de France. Jamais il ne serait descendu dans un Hilton, un Holiday Inn ou un Mercure. À Paris, lorsqu'il souhaitait être seul – et pourtant, Dieu sait si Maria et Antonio, son modeste personnel de maison, étaient discrets ! –, il allait dormir une nuit ou deux à l'hôtel, rue des Beaux-Arts, où il prenait la chambre d'Oscar Wilde, entièrement remeublée, bien évidemment. C'est dans cette chambre que l'imprévisible auteur du Portrait de Dorian Grayétait mort. C'est là que, avant de rendre l'âme, il aurait prononcé : « Je meurs au-dessus de mes moyens. » La formule était sans doute apocryphe, mais elle rendait bien compte de l'humour désesp éré du grand écrivain britannique. Ce qui est sûr, c'est qu'il avait laissé une jolie note au propriétaire de l'hôtel...

Sur le boulevard, en passant devant une agence du Crédit Agricole, il avisa une petite mendiante, recroquevillée dans une longue robe de drap noir. Elle avait de longs cheveux bruns bouclés, une chevelure d'algues sales qui lui tombait sur les épaules. Elle fixait un gobelet en plastique posé devant elle, comme indifférente aux passants. Pensait-elle que le gobelet allait se remplir tout seul ? Si elle n'attirait pas l'attention des rares touristes, comment ceux-ci allaient-ils lui faire l'aumône ?

Arrivé à quelques mètres de la jeune fille, Nicolas avait acquis deux certitudes : elle était tzigane et elle était très belle. Même ses pieds nus noirs de crasse ne parvenaient pas à obérer sa beauté. Nicolas passa rapidement devant elle, se promettant de revenir la voir le soir même.

Comme toujours, Nicolas fut reçu avec une joie non feinte par la directrice de l'hôtel. Pour elle, M. Savinski faisait partie des meubles. Il était aussi discret que ses armoires normandes. Plus discret, même, puisque, lui, il ne craquait pas la nuit !

— Quel plaisir, monsieur le baron ! s'écria la femme d'une cinquantaine d'années debout derri ère le desk.

Un lointain ancêtre de Nicolas avait été anobli par Napoléon pour services rendus (pour argent prêté, surtout !), et le peintre avait hérité du titre. Nicolas n'en tirait aucune fierté. Ce titre avait constitué une des choses de sa vie auxquelles il n'avait pu échapper, comme son argent.

— Vo...
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