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Aide EAN13 : 9789999997980
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Les femmes ne croient quaux passions maigres ; les ventripotents ne les
persuadent point, eussent, ils en la bouche les chaînes dorées, symboles
déloquence, qui suspendaient nobles, bourgeois, manants, aux lèvres dogmios,
lHercule gaulois. Cest pour cette raison et non pour une autre que jai
médiocrement réussi auprès du beau sexe et me suis rejeté de bonne heure sur
la dive bouteille, laquelle ne fait point tant la renchérie et accueille
favorablement les gros hommes, comme muids de capacité plus vaste. » Cest
ainsi que lhonnête Blazius tâchait dégayer, tout en lhabillant, le baron de
Sigognac, car la volubilité de sa langue nôtait rien à lactivité de ses
mains ; même au risque dêtre taxé de bavard ou de fâcheux, il préférait
étourdir le jeune gentil, homme dun flux de paroles à le laisser sous le
poids de réflexions pénibles.
La toilette du baron fut bientôt achevée, car le théâtre, exigeant des
changements rapides de costume, donne beaucoup de dextérité aux comédiens en
ces sortes de métamorphoses. Blazius, content de sa besogne, mena par le bout
du petit doigt, comme on mène une jeune épousée à lautel, le baron de
Sigognac devant la glace de Venise posée sur la table et lui dit :
« Maintenant daignez jeter un coup doeil sur Votre Seigneurie. » Sigognac
aperçut dans le miroir une image quil prit dabord pour celle dune autre
personne, tant elle différait de la sienne.
Involontairement il retourna la tête et regarda par-dessus son épaule pour
voir sil ny avait pas par hasard quelquun derrière lui. Limage imita son
mouvement. Plus de doute, cétait bien lui-même : non plus le Sigognac hâve,
triste, lamentable, presque ridicule à force de misère, mais un Sigognac
jeune, élégant, superbe, dont les vieux habits abandonnés sur le plancher
ressemblaient à ces peaux grises et ternes que dépouillent les chenilles
lorsquelles senvolent vers le soleil, papillons aux ailes dor, de cinabre
et de lapis. Lêtre inconnu, prisonnier dans cette enveloppe de délabrement,
sétait dégagé soudain et rayonnait sous la pure lumière tombant de la fenêtre
comme une statue dont on vient denlever le voile en quelque inauguration
publique. Sigognac se voyait tel quil sétait quelquefois apparu en rêve,
acteur et spectateur dune action imaginaire se passant dans son château
rebâti et orné par les habiles architectes du songe pour recevoir une infante
adorée arrivant sur une haquenée blanche. Un sourire de gloire et de triomphe
voltigea quelques secondes comme une lueur de pourpre sur ses lèvres pâles, et
sa jeunesse enfouie si longtemps sous le malheur reparut à la surface de ses
traits embellis.
Blazius, debout près de la toilette, contemplait son ouvrage, se reculant pour
mieux jouir du coup doeil, comme un peintre qui vient de donner la dernière
touche à un tableau dont il est satisfait.
« Si, comme je lespère, vous vous poussez à la cour et recouvrez vos biens,
donnez-moi pour retraite le gouvernement de votre garde-robe, dit-il en
singeant la courbette dun solliciteur devant le baron transformé.
persuadent point, eussent, ils en la bouche les chaînes dorées, symboles
déloquence, qui suspendaient nobles, bourgeois, manants, aux lèvres dogmios,
lHercule gaulois. Cest pour cette raison et non pour une autre que jai
médiocrement réussi auprès du beau sexe et me suis rejeté de bonne heure sur
la dive bouteille, laquelle ne fait point tant la renchérie et accueille
favorablement les gros hommes, comme muids de capacité plus vaste. » Cest
ainsi que lhonnête Blazius tâchait dégayer, tout en lhabillant, le baron de
Sigognac, car la volubilité de sa langue nôtait rien à lactivité de ses
mains ; même au risque dêtre taxé de bavard ou de fâcheux, il préférait
étourdir le jeune gentil, homme dun flux de paroles à le laisser sous le
poids de réflexions pénibles.
La toilette du baron fut bientôt achevée, car le théâtre, exigeant des
changements rapides de costume, donne beaucoup de dextérité aux comédiens en
ces sortes de métamorphoses. Blazius, content de sa besogne, mena par le bout
du petit doigt, comme on mène une jeune épousée à lautel, le baron de
Sigognac devant la glace de Venise posée sur la table et lui dit :
« Maintenant daignez jeter un coup doeil sur Votre Seigneurie. » Sigognac
aperçut dans le miroir une image quil prit dabord pour celle dune autre
personne, tant elle différait de la sienne.
Involontairement il retourna la tête et regarda par-dessus son épaule pour
voir sil ny avait pas par hasard quelquun derrière lui. Limage imita son
mouvement. Plus de doute, cétait bien lui-même : non plus le Sigognac hâve,
triste, lamentable, presque ridicule à force de misère, mais un Sigognac
jeune, élégant, superbe, dont les vieux habits abandonnés sur le plancher
ressemblaient à ces peaux grises et ternes que dépouillent les chenilles
lorsquelles senvolent vers le soleil, papillons aux ailes dor, de cinabre
et de lapis. Lêtre inconnu, prisonnier dans cette enveloppe de délabrement,
sétait dégagé soudain et rayonnait sous la pure lumière tombant de la fenêtre
comme une statue dont on vient denlever le voile en quelque inauguration
publique. Sigognac se voyait tel quil sétait quelquefois apparu en rêve,
acteur et spectateur dune action imaginaire se passant dans son château
rebâti et orné par les habiles architectes du songe pour recevoir une infante
adorée arrivant sur une haquenée blanche. Un sourire de gloire et de triomphe
voltigea quelques secondes comme une lueur de pourpre sur ses lèvres pâles, et
sa jeunesse enfouie si longtemps sous le malheur reparut à la surface de ses
traits embellis.
Blazius, debout près de la toilette, contemplait son ouvrage, se reculant pour
mieux jouir du coup doeil, comme un peintre qui vient de donner la dernière
touche à un tableau dont il est satisfait.
« Si, comme je lespère, vous vous poussez à la cour et recouvrez vos biens,
donnez-moi pour retraite le gouvernement de votre garde-robe, dit-il en
singeant la courbette dun solliciteur devant le baron transformé.
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