Pristina

Toine Heijmans

Christian Bourgois

  • 25 mai 2016

    Irin Past est différente, le regard des autres l'a rendue immune. Cette sensation d'être toujours et partout en dehors, de ne pas appartenir au monde réel. Son histoire est effacée.
    Un nom peut disposer favorablement quelqu'un ou susciter l'aversion. Alors elle porte son origine kosovare comme un halo autour d'elle. Sa vie demeure un parcours de camps d'étrangers, une enfilade de caravanes, tentes , bungalows. La précarité durable sur une île au Nord de la Hollande. Tout le monde connaît les traces que les pas laissent sur le sable. Les meilleures prisons sont construites sur des îles : Alcatraz, Robben Island, île d'Elbe. Ses premiers pas sont effacés, emportés à travers le monde comme ruisseaux et rivières vont vers la mer, toujours en chemin.
    Albert Drilling est chargé de s'assurer que les demandeurs d'asile retournent dans leur pays d'origine. Il connaît les visages et les espoirs et les vies des gens en errance. Ils étaient accrochés chez lui, au mur, dans sa tête aussi, partout. Un étranger, entouré d'étrangers dans les terres perdues du monde.
    Et puis une poignée de personnes qui ne veulent pas vivre dans un pays qui déporte des gens.
    Dans le sel séché des bancs de sable on observe la migration des oies cendrées. Elles maintiennent leur vol, puis à peine arrivées, elles doivent repartir.
    Albert et Irin longent la côte. Leur marche est plus aisée sans chaussures et leurs traces changent de forme: elles deviennent HUMAINES.
    Et puis le Kosovo, cette tâche d'encre sur les Balkans. Pristina, une ville blessée et les cicatrices qu'elle laisse chez Irin.
    Les images entre les pages transpercent les yeux, pénètrent l'esprit et trouvent prise. Être submergée par les mots, les dialogues d'une grande force, pour comprendre.
    La colère d' Irin est coulée dans du béton et jetée à la mer. Un grain de sable qui tout au long de son histoire à risqué d'être écrasé dans des galets errants.
    Sublime texte de Toine Heijmans, traduit du néerlandais par Danielle Losman.