120 journées, roman

Jérôme Noirez

Calmann-Lévy

  • Conseillé par
    5 novembre 2012

    Avec 120 journées, Jérôme Noirez fait un pas de côté et quitte avec succès le monde de la fantasy. De ce roman toute magie est exclue si ce n’est celle des mots. C’est par sa noirceur fascinante que vous serez envoûté.
    Le roman, divisé en autant de chapitres qu’il y a de jours d’enlèvement, alterne les récits du conteur et la description des journées à Silling. Si le titre du roman ainsi que le nom des ravisseurs s’inspirent des 120 jours de Sodome, les tortures qu’on leur inflige ne sont en rien comparables à celles inventées par le marquis de Sade. Pourtant, les enfants comme le lecteur sont bien captifs de ce récit morbide et psychologiquement dérangeant.
    Malgré le fort sentiment de mal-être, l’inconfort qu’on peut ressentir à le lire, l’auteur, tel Shéhérazade repoussant la mort nuit après nuit, nous fascine récit après récit et nous mène tambour battant vers la porte de sortie de Silling.


  • 17 septembre 2012

    Je ne connaissais pas les publications de Jérôme Noirez avant de découvrir ce roman. Il a écrit quelques livres pour la jeunesse et a remporté le Grand Prix de l’Imaginaire en 2010 pour Le Diapason des mots et des misères. L’éditeur souligne que « la figure de l’enfant est au cœur de son univers littéraire mêlant humour, tendresse, effroi et grotesque. » C’est probablement la question de l’enfance qui a attisé ma curiosité. L’intérêt de cette rentrée littéraire est d’élargir ses horizons de lecture et de varier les registres.

    120 journées comme celles de « Salo ou les 120 Journées de Sodome », film italien de Pier Paolo Pasolini, libre adaptation du livre du Marquis de Sade…voilà ce que m’évoquait le titre avant de me plonger dans les 454 pages. Le roman s’ouvre sur le quotidien de huit collégiens : quatre filles, quatre garçons. Chacun semble avoir son propre caractère et nos huit personnages sont aux portes de l’adolescence. Mais l’adolescence n’est-elle pas qu’une chimère ?

    « Parce que toute existence a besoin d’un récit…Ce n’est pas la puberté qui différencie l’enfant de l’adolescent, mais ce soudain déni de récit que les adultes imposent aux enfants quand ils décident de voir en eux autre chose. L’adolescent n’est qu’un enfant privé de récit, Monsieur Duclos… »

    Agés de douze à quinze ans, nos huit collégiens vont se réveiller à Silling. Lieu étrange à mi chemin entre le bunker et le camp de redressement où pendant quatre mois, ils devront se soumettre à des rituels étranges. Ils deviendront les spectateurs et acteurs d’une violence singulière et sanglante. Les intentions des personnes qui régissent Silling sont assez floues.

    En parallèle du récit de la séquestration, on assiste à la prise de parole d’un conteur radiophonique, qui s’adresse depuis son ordinateur aux collégiens séquestrés. S’instaure alors une rencontre entre fiction et réel où la frontière entre le fantasme et l’horreur devient de plus en plus mince.

    Je suis restée perplexe tout au long de ma lecture. J’ai apprécié les passages sur l’éducation et les questions que l’enseignement suscite.

    « Je me souviens, adolescent, j’admirais parfois la capacité de mes profs à ignorer le mépris qu’ils inspiraient à la plupart des élèves en levant devant eux un mépris encore plus forcené que le leur. Les cours ont toujours été pour moi une guerre de mépris. Nos professeurs étaient coriaces, difficiles à vaincre, car en plus du mépris, ils savaient nous faire ressentir notre propre démérite. Les enfants, à ce jeu, ne gagneront jamais contre les adultes. Des batailles, oui, des escarmouches, mais pas la guerre. »

    A Silling, on laisse les enfants dans leur « crasseuse stupidité ». Les 120 journées défilent, avec les mêmes activités, mimant la routine. Je regrette que le portrait des collégiens n’ait pas pris plus d’ampleur au fil du récit. Ce roman est fort singulier et en le refermant, je ne savais pas trop partager mes impressions de lecture à son sujet. Le fait de clore le roman sur l’initiation au homeschooling ouvre toutes les interrogations possibles sur le système éducatif et c’est probablement ce thème qui aura retenu toute mon attention. Je me suis beaucoup plus attachée au personnage du conteur et de sa fille qu’au destin des huit collégiens.

    Roman à découvrir, une sorte d’ OVNI littéraire, je pense même que je le relirai car honnêtement je pense être passée à côté de certaines subtilités.