• Conseillé par (Libraire)
    14 janvier 2019

    Un tour du côté de chez "Swan"... sans Proust.

    En racontant les prémices du mouvement impressionniste, Néjib débute la chronique d’une vie parisienne des années 1860. Quand la peinture reflète la société, elle devient le support d’un feuilleton passionnant.

    Les planches dessinées de Néjib sont facilement reconnaissables: des traits noirs puissants et structurés qui donnent une priorité au dessin, ce dessin auquel il apporte son originalité en adjoignant une ou deux couleurs par page, comme pour éclairer les scènes d’une manière originale en distinguant l’essentiel du secondaire.
    On peut alors s’étonner que l’auteur, qui s’était fait connaître avec le formidable « Stupor Mundi » choisisse comme thème la naissance et l’aventure des impressionnistes.
    Il est vrai que d'impressionnistes il n’en n’est guère question pour l'instant. C’est plutôt une période incandescente de contestation artistique qui se déroule devant nos yeux. Courbet et surtout Manet sont dans la BD les prémices et les annonciateurs d’une révolution qui arrive à grands pas, dont on ignore encore tout, mais dont les « rapins » vont déclencher l’étincelle comme l’annonce la première page. Pourtant Néjib ne limite pas sa BD à ces faits si connus et si souvent relatés. Son propos est plus large et constitue l’intérêt majeur de cet ouvrage: c’est le Paris des années 1860 qu’il s’attache à décrire grâce à l’oeil neuf et étranger de Swan et de son frère Scottie, qui débarquent de New York chez leur cousin Edgar Degas pour toucher de plus près à ce monde artistique dont il rêve tant. Scottie, qui apporte dans ses valises, un lourd secret personnel veut intégrer l’Académie des Beaux Arts. Swan, à l’encontre des moeurs de son temps, veut elle aussi créer, dessiner, peindre. En utilisant ce fil conducteur, Néjib peut ainsi élargir son propos et sa palette. Il est alors question d’homosexualité, de féminisme, de misogynie, de conservatisme et d’aveuglement bourgeois dans le décor d’un Paris qu’Haussmann est en train de détruire pour reconstruire une capitale moins accessible aux violences révolutionnaires.
    Derrière les destins connus de Manet ou du triste Degas, Néjib réussit à nous conter une époque, où l’on se meut dans une société corsetée, rigide dirigée par l’hypocrisie et les apparences. La BD se lit alors comme un véritable roman policier.
    On attend avec impatience le deuxième épisode de ce superbe feuilleton.

    Eric Rubert.