Questions de communication, n°16/2009, Journalistes et sociologues. Retour sur des luttes pour «écrire le social»
EAN13
9782814300033
ISBN
978-2-8143-0003-3
Éditeur
Presses Universitaires de Nancy
Date de publication
Collection
Questions de communication • série actes
Nombre de pages
408
Dimensions
16 x 2 cm
Poids
700 g
Langue
français
Fiches UNIMARC
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Questions de communication, n°16/2009

Journalistes et sociologues. Retour sur des luttes pour «écrire le social»

Presses Universitaires de Nancy

Questions de communication • série actes

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Présentation par Vincent Goulet et Philippe Ponet (extraits) :

Un ensemble complexe d'interdépendances, l'enchevêtrement de multiples logiques, l'interpénétration des méthodes et des outils. Voilà ce qu'il ressort des quelques études consacrées aux relations qu'entretiennent journalistes et sociologues. Ainsi y est-il toujours question de « ligne de partage » plus ou moins floue (Ruellan, 1992 : 25), de « frontières entre les deux camps », de « zones de contact », « d'étanchéité » (ibid.), des « proximités et malentendus » qui en découlent (Charon, 1996 :17). On y traite également des méthodes et des outils (coupures de presse, entretiens), par l'analyse des emprunts légitimes et des emprunts sauvages » (ibid. : 30) que peuvent faire journalistes et sociologues, on y évoque les conflits de légitimité, les rapports différenciés aux « faits réels ».

Si elle a le mérite de souligner les particularités des deux disciplines, cette littérature contribue parfois à renforcer, voire à naturaliser, certaines oppositions - journalistes et sociologues sont considérés de manière évidente comme ayant toujours appartenu à des univers clairement distincts - et à imposer des manières de construire l'objet, en limitant à un « problème » entre journalistes et sociologues ce qui renvoie en fait à des transformations sociales beaucoup plus générales, et plus particulièrement à la question de l'intensification des luttes, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, entre les diverses activités qui prétendent « écrire le social ». C'est pourquoi une tentative de classement de cette littérature qui reprendrait à son compte l'opposition nominale entre « journalistes » et « sociologues » et s'arrêterait à leurs polémiques les plus visibles, risquerait de ne pas mettre en évidence les proximités réelles entre les journalistes qui cherchent à augmenter leur « degré d'autonomie professionnelle » en mobilisant les sciences sociales et les sociologues qui, au nom de la science, tentent « d'éclairer » la pratique journalistique. Malgré une certaine rudesse des débats entre ces deux positions qui semblent inconciliables (les auteurs scientifiques aimeraient que soit davantage introduite de réflexivité dans les pratiques des journalistes tandis que les journalistes posent la question symétrique de l'introduction des schèmes journalistiques de perception dans le champ académique), elles se rejoignent dans leur visée normative et sur une conception éminemment politique de la nature et des fonctions des médias d'information. Notons qu'à côté de ces deux approches apparemment antagonistes, on peut repérer celles - plus nuancées - de personnalités à mi-chemin entre le journalisme et les sciences humaines, que ce soit d'anciens journalistes devenus universitaires, d'universitaires devenus journalistes ou de journalistes ayant eu une formation poussée en sciences humaines.

Ainsi, sans remettre en cause leurs nombreux apports, ces travaux ont-ils semblé plus souvent enfermés dans les luttes entre journalistes et sociologues qu'ils ne les ont pris pour objet. Un des objectifs des journées d'études qui ont été organisées en juin 2006 à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), et qui ont posé les jalons de ce dossier, était donc de contribuer à prolonger l'analyse sur ces questions, en évitant si possible d'être happés par ces rivalités. Les contributions ont permis d'inscrire l'analyse des rapports entre journalistes et sociologues dans des mécanismes sociaux plus généraux. Deux d'entre eux ont été particulièrement mis en exergue : l'intensification des luttes pour « écrire le social » depuis la seconde moitié du XIXe siècle entre des activités qui commencent à se différencier les unes des autres ; la multiplication des usages croisés du journalisme et de la sociologie, une fois l'autonomie disciplinaire établie au cours de la première moitié du XXe siècle comme préalable indispensable au fonctionnement de ces univers.
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