histoire de l'homme qui ne voulait pas mourir
EAN13
9782889073023
Éditeur
Zoé
Date de publication
Collection
DOMAINE FRANCAIS
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
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histoire de l'homme qui ne voulait pas mourir

Zoé

Domaine Francais

Livre numérique

  • Aide EAN13 : 9782889073023
    • Fichier EPUB, avec Marquage en filigrane
    10.99

  • Aide EAN13 : 9782889073030
    • Fichier PDF, avec Marquage en filigrane
    10.99

Autre version disponible

« Il était une fois un homme, un brave homme audacieux, qui ne voulait pas
mourir. Cet homme savait que la mort existe. Il savait même qu’elle se
manifeste tous les jours. Seulement, il ne pouvait pas croire qu’elle le
menaçait, lui, personnellement. » Plusieurs années après avoir emménagé dans
un nouvel immeuble, la narratrice de ce roman ignore encore tout de son
voisin, sinon qu’il s’appelle Sándor, qu’il est hongrois, et homme d’affaires.
Avant même de le rencontrer, elle croise sa compagne sur le palier le jour où
elle le quitte : « Il est indiscutable que cette scène dans laquelle je
m’étais trouvée prise n’a cessé d’influencer ma perception de cet individu qui
était mon voisin, et qui est devenu avec le temps une sorte de proche
important. » Proches, ces deux êtres ne le sont d’abord que dans un sens
spatial : leur plus grand point commun est de vivre dans le même immeuble.
Sinon, l’une est fascinée par la Hongrie, alors que l’autre ne montre presque
aucun intérêt pour ce qui est pourtant son pays d’origine. Lui travaille sept
jours par semaine et voyage sur tous les continents, elle mène une vie
organisée et calme dont on ne saura presque rien. Et là où elle met tout en
question, il ne voit que des solutions. Leur rapprochement se fait d’abord à
tâtons, jusqu’à ce que deux événements, sans lien l’un avec l’autre, changent
la donne : Sándor se voit diagnostiquer un cancer, quelque temps avant qu’un
virus ne commence à se propager sur la planète. Les sorties se font rares, le
monde se réduit à l’échelle de l’immeuble, tout au plus du quartier. Presque
contre son gré, la narratrice entre dans la sphère privée de ce voisin malade
et secret : « je devais faire partie des rares personnes, et étais peut-être
bien la seule, à savoir comment se déroulait à peu près son quotidien, alors
que nous n’étions pas à proprement parler des intimes. » Précise, rationnelle
et parfois subitement décalée, la narratrice observe, questionne, s’interroge,
ironise, se fâche. Elle s’inquiète pour Sándor, qui n’est pas un parent, pas
son amant, pas non plus un ami au sens strict, juste un voisin, et un homme en
danger de mort. Mais alors qu’elle regarde les choses en face, Sándor, l’homme
qui ne voulait pas mourir, est dans un déni total. Subissant les traitements,
il fonce tête baissée, persuadé que la médecine le sauvera : « Mon voisin
était intarissable sur la médecine elle-même, sa brillance, le talent des
jeunes spécialistes qui l’avaient pris en charge, leur manière absolument
confiante d’aller de l’avant, de ne se laisser impressionner par aucun
obstacle. On aurait dit en l’écoutant qu’au cœur de ses descriptions, il n’y
avait personne. En tout cas pas des êtres vivants qui seraient des malades, et
à coup sûr pas le malade qu’il était lui-même devenu. Sans doute parce qu’il
ne se considérait pas ainsi. Il était l’homme qu’il avait toujours été. Avec
un emploi du temps serré, des dossiers et des relations professionnelles qui
n’attendaient pas. Un accident était survenu qui avait pour nom maladie grave.
Une sorte de désagrément. Temporaire. C’est pourquoi il avait dû s’engager
dans un parcours, aux côtés de soignants qui sont aussi des chercheurs
ambitieux ; ensemble, ils avançaient sans s’attarder dans la vaste plaine qui
relie un processus de vie à un processus de mort. Le mot vie était employé. Le
mot mort aussi. » Au fil du roman, la narratrice en apprend davantage sur
l’entourage de Sándor : sa tante Olga, décédée, son ex-compagne Veronika, son
amie Brigitte Steiner. À travers elles se précise le portrait de cet homme qui
demeurera pourtant toujours énigmatique. Est-il en plein déni, ou porté au
contraire par une force intérieure ? Comme en contrepoint à l’évolution de la
maladie dans le corps du voisin et à la propagation du virus sur la planète,
le roman laisse entrevoir par moments la possibilité d’une autre vie, sauvage,
accordée aux éléments. Il s’attache en particulier au destin d’un bosquet
d’arbres menacé, que la narratrice entend sauver par le biais d’une pétition,
dont elle parle à Sándor : « Il m’avait annoncé qu’il n’ajouterait pas sa
signature aux nôtres. Avec un sourire à la limite du sarcastique, il prétendit
que puisque je n’étais pas née sous un régime communiste, jamais je ne
pourrais comprendre la méfiance innée qui était en lui et en ses semblables
face à toute manœuvre risquant d’attirer l’œil des hommes d’appareil. À dire
vrai, le mot méfiance était trop faible. Il s’agissait d’une impossibilité. Il
m’avoua qu’en revanche, il savourait littéralement chaque occasion où il nous
voyait, nous autres citoyens d’authentiques démocraties, signer des pétitions,
des initiatives, des référendums. Il nous regardait nous manifester d’une
manière si innocente, si confiante, qu’il ne pouvait s’empêcher d’imaginer des
coups de marteau pleuvoir bientôt sur nos têtes, comme au théâtre Guignol. »
Soigner les corps et soigner la nature se rejoignent dans ce roman qui explore
la question de la proximité, spatiale, émotionnelle – et cette proximité dans
ce qui nous rassemble, cette condition qui fait qu’à la fin on meurt, même si
on ne veut pas. Un roman comme une tentative émouvante de faire avec la mort.
Narrée dans une langue où l’humour se niche dans la précision, cette histoire
de l’homme qui ne voulait pas mourir est surtout celle de la relation complexe
et changeante entre deux êtres qui partagent une même adresse postale et une
même humanité. Née en 1967 en Valais, au sein d’une famille de paysans de
montagne, Catherine Lovey se plonge très tôt dans la lecture et l’écriture.
Après des études en relations internationales, complétées par un diplôme en
criminologie, elle travaille en tant que journaliste de presse écrite,
spécialisée dans les questions économiques et financières. En 2005, elle
publie chez Zoé un premier roman remarqué, L’homme interdit (rééd. Zoé Poche,
2011), qui lui vaut le prix Schiller découverte. Suivront, toujours chez Zoé,
Cinq vivants pour un seul mort (2008), Un roman russe et drôle (2010), et
Monsieur et Madame Rivaz (2016), une fresque enlevée de la société
contemporaine. Véritable romancière, Catherine Lovey crée des univers
narratifs de crise où rien n’est sûr, à commencer par l’identité même de ses
personnages. Ceux-ci cherchent à instaurer de la clarté à travers des mots qui
paraissent solides et ne cessent pourtant de leur échapper. Ils partent en
voyage, s’engagent dans des recherches, essaient d’attraper la réalité pour y
mettre bon ordre. Tout autour, le monde vacille, et n’importe qui peut
disparaître à tout moment.
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