Fab Lafontèn
EAN13
9782844506696
Éditeur
Ibis Rouge
Date de publication
Langue
français
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Fab Lafontèn

Ibis Rouge

Livre numérique

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La fable en langue créole est sans conteste le genre littéraire qui a connu,
et qui continue de connaître, la plus grande fortune tant aux Antilles que
dans l'Océan Indien. Proche de l'oralité, porteur d'une moralité accessible au
plus grand nombre, jouant sur tous les registres de l'humour, ce genre,
aujourd'hui si décrié dans les grandes littératures (celles de l'Europe et de
l'Amérique du Nord), demeure une étape indispensable sur le chemin qui
conduit, depuis une trentaine d'années, le créole à la souveraineté
scripturale.

Assez paradoxalement, le lien intertextuel qui lie la fable créole aux œuvres
du grand fabuliste français Jean de Lafontaine et, à travers lui, aux plus
anciens fabulistes de l'humanité (Pilpay en Inde, Esope dans la Grèce antique,
Abstemius à Rome etc.), n'est ni un frein ni un handicap à son plein
épanouissement. En effet, le fabuliste créolophone est contraint de se faire à
la fois écrivain et traducteur, ce qui l'amène à élargir les potentialités
expressives d'une langue qui est restée trop longtemps, diglossie oblige,
confinée à l'expression de réalités immédiates ou locales. Autant l'écrivain
créolophone peut tout à fait restreindre son champ d'action à la Plantation ou
au quartier populaire urbain et se satisfaire du créole tel qu'il est, autant
le fabuliste, de part sa posture traductive, est contraint de confronter son
outil linguistique à l'évocation de réalités étrangères c'est-à-dire non
créoles. Traduire / Transposer / adapter Lafontaine l'amène nécessairement à
désigner des realia qui n'appartiennent pas à l'univers créole, à décrire des
événements propres à une autre sphère culturelle, à faire sien une psychologie
différente. Quand on connaît le rôle qu'a joué la traduction dans le processus
de littérarisation des grandes langues du monde (français, anglais, allemand,
finnois, swahili etc.), on ne peut que se réjouir du succès ininterrompu que
connaît la fable créole depuis Louis Héry (La Réunion, 1826).

Cependant, le plus intéressant demeure la comparaison des divers traitements
qu'on fait subir nos fabulistes à l'hypotexte lafontainien. Certains, tels le
Guadeloupéen Paul Baudot (1860) ou le Guyanais Alfred de Saint-Quentin (1874)
sont restés très proches de ce dernier ; d'autres, tels que le Martiniquais
François Marbot (1846) ou le Haïtien Georges Sylvain (1901) s'en sont quelque
peu écartés et se sont efforcés de créoliser leurs textes chaque fois que cela
leur semblait possible ; d'autres enfin, tels que les Martiniquais Gilbert
Gratiant (1958) ont carrément rompu avec lui et ont tenté de forger un modèle
de fable typiquement créole en s'appuyant à la fois sur l'oralité (parole
quotidienne) et sur l'oraliture (contes, proverbes, devinettes etc.) créoles.
Cet assez vaste corpus, non encore inventorié en totalité et finalement peu
étudié, est l'une des principales richesses de notre culture créole écrite.

Raphaël Confiant
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