L'humanitaire à l'épreuve de la prédation néolibérale

L'humanitaire moderne naît au XXe siècle des décombres des guerres
napoléoniennes. Désormais, encadrée par des règles internationales, la guerre
devra être plus humaine, les victimes seront secourues. Mais l'utopie ne dura
qu'un temps. Il faut attendre la mise en place du plan Marshall et la
diffusion à l'Europe, puis au monde, du modèle américain, pour que s'impose,
sous l'impulsion de l'ONU, une idéologie humanitariste avec la notion
d'ingérence qu'elle sous-tend. La guerre du Biafra, la lutte décoloniale, la
nouvelle philosophie, la reprise de la notion de « guerre juste » dans la
théorie politique seront autant d'étapes qui jalonneront de manière décisive
le combat de ses nouveaux chevaliers du progrès, fers de lance du sans
frontiérisme. En étudiant les catastrophes humaines et climatiques qui ont
frappé la Corne de l'Afrique entre 1980 et 2000, l'ouvrage de Salvador Ezran
analyse avec clarté et minutie la façon dont l'humanitaire a croisé
l'offensive néo-libérale pour devenir l'un des outils de diffusion de son soft
power.