Thierry L.

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Conseillé par (Libraire)
19 février 2023

Rapprocher Sade et Fourier est une entreprise qui peut paraître surprenante. Pourtant, Simone Debout (1919-2020), n’est pas la première à la tenter quand elle publie ce texte dans la revue « Topique » en 1981.

L’analyse que nous propose la philosophe répond, en s’y opposant, au « Sade, Fourier, Loyola » de Barthes sorti dix ans plus tôt. Pour Barthes, c’est avant tout le langage, les mots, les écrits de Sade et de Fourier qui ont un caractère insurrectionnel. Simone Debout juge cette vision extrêmement réductrice, elle qui considère que Sade (« le libertin »), comme Fourier (« l’utopiste »), par la force qu’ils accordent aux passions, sont profondément ancrés dans le réel "dans le milieu impur d’où procèdent et où émergent la parole et la pensée". En s’opposant radicalement à l’ordre établi, non pas seulement par leurs écrits, mais par aussi par leurs actes, Ils sont tous deux, en totale insoumission.

Mais alors que la passion enferme progressivement « le libertin » dans une recherche exclusive de ses propres désirs par la domination de l’autre, elle est, pour « l’utopiste », au contraire, une force d’ouverture aux autres pour la construction d’un monde meilleur.

Une pensée complexe mais passionnante que les éditions Quiero nous propose, en outre, dans un splendide volume, illustré par une gravure sur bois de Renaud Eymony.

Conseillé par (Libraire)
6 décembre 2022

Ça commençait mal. Arthur fait connaissance de « La Plage » à l’occasion de l’anniversaire d ’un camarade de classe, un après-midi, à l’âge de dix ans. Sa première visite de cette boîte de nuit des bords de Loire est un fiasco : Arthur est bloqué, pétrifié. Un cauchemar...

…Qui recommence huit ans plus tard, quand il y retourne avec des amis. Arthur voudrait, mais n’ose pas. Il envie, craint et admire les leaders. Lui rase les murs, tente de se trouver une contenance, se renferme plus que jamais sur lui-même.

La troisième fois, quatre ans plus tard, sera la bonne. Arthur se lance, danse et ne va plus s’arrêter. Il devient le plus fidèle client de « La plage », et un danseur hors pair. La danse devient une drogue, une échappatoire à la solitude.

Dans un style sobre et percutant, Victor Jestin a un talent particulier pour faire ressentir au lecteur le mal-être de son personnage, qui, jeune, aspire à l’être moins, et qui, un peu plus vieux, regrette de l’être déjà.

Après « La chaleur », paru en 2019, qui se déroulait sur un temps très court, l’auteur nous dépeint au contraire l’évolution d’Arthur sur une période de près de trente ans. Avec concision. Sans aucun temps mort. Et l’on sort du livre comme on sort d’une boîte : avec les lumières et la musique encore dans la tête, avec aussi, un petit peu, la gueule de bois, tellement l’écriture de Victor Jestin est enivrante.

Conseillé par (Libraire)
27 novembre 2022

Un conseiller sorti de l’imagination du romancier, après avoir été l’éminence grise du bien réel président de la Russie, Vladimir Vladimirovitch Poutine dit « le Tsar », se confie au narrateur de ce livre.

Cette habile construction littéraire permet à l’auteur de faire pénétrer le lecteur au cœur des rouages du système politique russe actuel, et de la perception qu’en a le peuple russe. On y découvre la métamorphose très rapide d’un brillant fonctionnaire discipliné en homme d’état redoutable qui comprend, au début des années 2000, que les Russes ne veulent plus du désordre, de la corruption et de la course effrénée au capitalisme nés de la chute de l’Union soviétique. Le peuple russe veut un chef puissant qui saura rétablir l’ordre et la grandeur du pays. L’ère Poutine est née, et le pouvoir du « Tsar » ne cessera plus de se renforcer.

L’expérience politique de Giuliano da Empoli, qui fut lui-même conseiller du président du Conseil italien Matteo Renzi, rend le récit extrêmement crédible. Et alors que son écriture a été achevée en janvier 2022, un mois avant l’invasion de l’Ukraine, on sent la guerre déjà présente, quasiment inévitable depuis plusieurs années.

Un ouvrage qui passionnera celles et ceux qui ont envie de mieux comprendre l’évolution de la Russie sur les vingt dernières années.

Conseillé par (Libraire)
1 novembre 2022

« L’ethnologie ne connaît aucune société sans religion ». C’est le premier constat que dresse Jean-Manuel Traimond, avant d’entamer un « livre de recettes » pour vous apprendre à fabriquer une religion.

Sous cet habillage d’apparence légère et humoristique, le sujet abordé et la manière dont il est traité sont on ne peut plus sérieux. L’auteur analyse point par point ce qui fait le succès d’une religion et démontre que, à des variantes près, toutes les religions de toutes les époques fonctionnent, au final, selon les mêmes principes.

Et malgré les centaines de guerres, les millions de morts, les milliards d’asservis qu’ont générés depuis des millénaires les religions dans le monde, pourtant, la recette continue à fonctionner… Et plus que jamais si l’on en juge, aujourd’hui, par la radicalisation d’une partie de l’Islam, l’influence inquiétante des églises évangéliques sur le continent américain ou de l’église orthodoxe en Russie. Ou par la puissance persistante de la religion catholique, qui a survécu à la violence des croisades, des guerres de religion, à la corruption du clergé, aux liaisons dangereuses avec certaines dictatures, et qui survit, aujourd’hui encore, aux scandales des crimes de certains de ses serviteurs, odieusement étouffés.

Puisse ce livre, qui peut s’adresser aussi bien aux croyants qu’aux non-croyants, contribuer à ouvrir les yeux du lecteur sur ce poison analgésique que Marx appelait déjà : « l’opium de peuples ».

Conseillé par (Libraire)
27 octobre 2022

De ce grand romancier américain, l'histoire a essentiellement retenu deux romans : "Des souris et des hommes" et "Les raisins de la colère". "Les Naufragés de l'autocar", oeuvre moins célèbre, parue en 1949 après les deux autres, est pourtant bien intéressante à découvrir ou redécouvrir.

Juan Chicoy est tenancier d'un restaurant sur les bords d'une route de Californie, dans un paysage grandiose que Steinbeck sait si bien nous faire aimer, grâce à ses descriptions minutieusement ciselées. Il est aussi chauffeur de car, et chargé d'acheminer au Mexique des voyageurs, aux origines et personnalités diverses. Mais les choses ne vont pas se passer comme prévu.

Au fil des pages, Steinbeck s'attache, avec une admirable méticulosité, à affiner petit à petit le caractère de chacun des protagonistes. Ce voyage, qui devait être un épisode banal de la vie ordinaire, devient, sous la plume du romancier, une comédie humaine aussi satirique que sarcastique. Et l'auteur prend un évident plaisir à pousser chacun de ses personnages dans ses derniers retranchements.

Habile dosage d'humour et de méchanceté, ce récit savamment construit ne cesse de surprendre le lecteur au fur et à mesure que l’histoire avance.