Ce roman est une petite merveille de poésie et de douceur !! Yui, notre héroïne, perd sa fillette et sa mère dans le tsunami qui ravage sa région en 2011. Les années passent sans que cette douleur ne la quitte. Elle travaille pour une émission de radio dans laquelle elle prend des appels d'auditeurs si des sujets très variés, chacun y allant de sa confidence ou de son anecdote. Lors d'une de ses soirées de travail, un homme appelle pour parler de sa façon de surmonter un deuil. Il y aurait, au Japon, au milieu d'un magnifique jardin tenu par un bienveillant gardien, une cabine téléphonique très spéciale. Un lieu de recueillement qui permettrait de parler avec ses disparus. Yui sent qu'elle doit s'y rendre. Le chemin est très long. Arrivée sur place pourtant, elle n'entre pas dans la cabine. Elle n'y arrive pas. Là-bas, elle fait la connaissance de Takeshi, père d'une petite fille et veuf, depuis la perte de sa femme dans le même tsunami qui a emporté la famille de Yui. Les deux se comprennent et apprennent à s'apprivoiser. Ils retournent régulièrement dans le jardin du Téléphone du Vent, après des heures de trajet en voiture. Leur amitié se transforme en profonde tendresse. Au fil de leurs visites, ils nouent des liens avec d'autres endeuillé(e)s, chacun ayant une histoire à raconter, chacun recherchant aide et chaleur humaine. Au fil du temps, Yui, Takeshi et les autres pansent leurs blessures et reprennent confiance en la beauté de la vie. On en ressort ému et apaisé, ce roman est une caresse pour l'âme.

Ce thriller psychologique totalement addictif nous embarque dès les premières lignes grâce à son format de narration original qui n'est pas sans rappeler l'excellente émission Affaires sensibles sur France Inter. Un animateur de podcast tente de faire la lumière sur un drame survenu 20 ans plus tôt lors d'un camp de vacances d'adolescents dans les montagnes. En 1995, une bande d'amis, se surnommant "les Coureurs", se retrouve dans un grand chalet sous la supervision plutôt légère de deux adultes confiants et permissifs. Trop, peut-être ? Ils ont 15 ans, fument, boivent, zonent au village et dans la campagne environnante. Entre amour, rancœur et envie, ils cherchent leur place au sein du groupe. Puis une nuit, tout bascule. De l'eau a coulé sous les ponts mais le mystère n'a jamais connu de résolution. La police a conclu à l'accident. Que faisait Tom Jeffries en pleine nuit sur cette partie du mont aux marécages piégeux et aux dangereuses crevasses ? Six témoins, six versions, que s'est-il réellement passé le soir où le jeune homme est mort ? Ce roman est le premier volume d'une série qui comprend à chaque fois une affaire complète et dans laquelle nous retrouverons Scott King, l'animateur ni policier ni psychologue ni expert judiciaire, qui nous ouvre les portes d'une sombre affaire et nous invite à nous faire notre propre opinion à l'issue de l'audition de tous les témoins interrogés. Aurons-nous toutes les réponses ? Rien n'est moins sûr... Impossible à lâcher, une fois l'appât lancé, on a mordu à l'hameçon !!

Michael Prazan n'est pas seulement auteur, il est aussi réalisateur de films documentaires. Il y a quelques années, il se rend en Sibérie pour filmer les endroits où des milliers de prisonniers furent enfermés, assignés au travail forcé, dans les camps du goulag. Un voyage périlleux dans des conditions climatiques très hostiles puisque les températures dans cette région du monde peuvent avoisiner les -50 degrés voire pire. C'est au cours d'un long trajet sur la route des ossements que l'équipe de tournage aperçoit une petite boule de poil perdue et frigorifiée non loin de la route : un chat. L'animal est recueilli, entre la vie et la mort. Grâce aux bons soins de Michael et de ses coéquipiers, il survit pourtant et se voit affublé du nom de Varlam, en hommage à l'écrivain Varlam Chalamov dont l'œuvre la plus connue, Récits de la Kolyma, témoigne de son expérience au goulag où il fut emprisonné plusieurs années. Un lien très fort se noue entre Michael et Varlam. Une fois tous les plans filmés et toutes les interviews terminées, il est temps de penser au retour. Que faire de ce petit chat ? Ce récit nous embarque dans une plongée passionnante à travers l'histoire mouvementée et pleine de paradoxes de l'URSS puis de la Russie, sans oublier quelques anecdotes sur les pays voisins comme l'Ukraine ou la Lettonie. L'évocation de la Sibérie orientale, avec ses paysages de lacs gelés et de neige épaisse, ses forêts de mélèzes et ses villages qu'on dirait coupés de tout est absolument saisissante et nous laisse de nombreuses images gravées dans la tête après la lecture. Un roman du grand froid qui nous livre quelques clés pour comprendre l'âme russe, le contexte de l'époque du goulag et la rhétorique politique autour du conflit actuel entre Ukraine et Russie, tout en nous offrant d'émouvants passages sur l'apprivoisement mutuel de Varlam et ses compagnons de route. On a adoré !

Allan vit au sous-sol d'une petite propriété et n'aime rien tant que se promener pendant des heures pour admirer sa ville depuis les hauteurs de la montagne et commenter longuement des poèmes de toutes époques et de toutes provenances. Lui-même est poète, mais un poète assez inconnu du grand public et qui de toute manière ne publie aujourd'hui plus rien. Ce qu'il apprécie, c'est sa tranquillité. Le monde va mal autour de lui : pandémie galopante de Covid, réchauffement climatique, injustices sociales et pour couronner le tout, l'éruption du Vésuve plonge l'Europe entière dans une nuit persistante à cause de gros nuages noirs. Bientôt, Allan voit débarquer à sa porte des propriétaires d'une grande banque danoise, puis la Première Ministre du pays, qui le supplient de bien vouloir se donner la peine d'écrire un poème pour arranger cette situation catastrophique. Comme de bien entendu, le poète se demande s'ils ne sont pas tous devenus mabouls et refuse cette tâche idiote. Il n'a plus envie d'écrire, c'est comme ça, et maintenant il aimerait bien qu'on lui fiche la paix. Mais les choses ne sont pas si simples. Car en peu de temps, la presse s'empare du sujet, à coups d'articles décrivant Allan comme un égoïste et un lâche qui pourrait sauver l'humanité et à la place, ne fait rien du tout. Qu'est-ce que c'est que cette histoire à dormir debout ? se demande notre protagoniste. A force de se faire harceler et casser la figure dans la rue lorsqu'il sort acheter des croquettes pour son chien, Allan se rend petit à petit à l'évidence. S'il faut qu'il écrive un seul poème pour qu'on le laisse enfin tranquille, soit. D'ennemi public, Allan devient le nouveau messie. Mais qui est-il réellement ? Un roman original et percutant qu'on ne lâche pas !

Entre un film de Kusturica, une pièce de vaudeville et des chroniques rurales aux personnages truculents et bruts de décoffrage, ce roman nous embarque dans un tourbillon de péripéties qui ne s'arrête jamais ! Dans un village croate, on rencontre une jeune veuve éprise d'un curé, ledit curé qui fut autrefois un alcoolique et tente de ne pas replonger, un millionnaire revenu au pays cherchant à marier sa fille, une poignées de poivrots, joueurs de cartes, colporteurs de ragots, un tenancier de bar friand de faits divers, un Ministre de la Défense narcoleptique, une voyante qui lit dans le marc de café et bien d'autres énergumènes. Tout ce beau monde se retrouve acteur ou témoin des événements qui chamboulent le quotidien à Smiljevo, chacun y allant de son opinion ou de ses initiatives plus ou moins inspirées. On obtient alors un roman loufoque à souhait enchainant les quiproquos, où l'auteur se moque de la bêtise des uns, de l'hypocrisie des autres et du machisme de tous. Un régal de divertissement !