Jean T.

https://lecturesdereves.wordpress.com/

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Conseillé par (Libraire)
8 août 2023

Pendant la Seconde Guerre mondiale, dans un port de pêche au bord de la mer d'Iroise, en Bretagne, Jean embarque sur "le Mutin", un bateau de pêche côtière. Au grand désespoir de sa mère, Perrine, qui a tout fait pour le dissuader de devenir marin, comme son père disparu en mer. Jean la curieuse habitude d'écrire une lettre quotidienne à sa mère pour lui raconter sa journée.

Au moment de se marier avec Paulette, celle-ci hésite et renonce à lui demander de ne plus aller en mer. Elle aurait dû, car il ne s'arrêtera pas. Il quittera la pêche côtière pour s'embarquer sur un cargo et faire le tour du monde pendant un an. Elle profite de cet embarquement pour apprendre l'anglais décide de passer quelques mois en Angleterre. Il lui écrit de très nombreuses lettres que Paulette, fâchée de son absence, ne lit pas. À son retour, il reprend la pêche côtière.
Le malheur frappe encore la famille. Paulette qui est maintenant mère du jeune Pierre, décide de l'éloigner de la mer et s'installe dans le Haut Jura. Pierre est un enfant casse-cou que la montagne et les alpinistes fascinent. Il se passe dix années avant qu'elle envoie Pierre passer quelques vacances en Bretagne. Elle n'y retourne pas encore. Dix nouvelles années se passent quand Paulette apprend que Pierre a disparu. La mer rusée sait rattraper ceux dont on voudrait qu'ils la fuient, à Paimpol, Pierre a volé un voilier...
Ce livre est un roman de mer, de marins et de femmes. Les hommes qui deviennent pêcheurs, ne cèdent pas à leur passion pour la mer, pour les bateaux de pêche, pour le tour du monde. Par amour, les femmes - épouses, sœurs et mères - cèdent, acceptent en sachant que la mer peut "manger" leurs hommes. Les orphelins ne sont pas oubliés qui doivent se construire avec un père disparu, dont on tait la vie autant que faire se peut, qu'ils idéalisent et qui, un jour, vont aller en mer. Grégory Nicolas ne parle pas du matriarcat des femmes de marins, mais de leurs sentiments, de leurs peurs, de leurs manières de vivre sur la côte tout en se tenant à distance de la mer. Ces femmes sont des héroïnes que l'on oublie lorsqu'on parle de la rude vie des marins partis à la pêche, quand une tempête les noie et que la mer ne rend jamais leurs corps.
D'une écriture alerte et fluide, le roman se lit avec impatience tant on aimerait que la mer reste belle, qu'elle ne soit pas cruelle. L'auteur fait ressortir le tragique de la vie de femme de marin, leur courage, avec une tendresse non dissimulée.
J'habite sur la côte bretonne. Mes promenades me conduisent souvent à la pointe du Roselier, à l'embouchure du port du Légué où un monument aux disparus en mer est dressé. Jusqu'ici, je lisais le nom des marins en ne pensant qu'à eux. Désormais, je penserai aussi à leurs épouses et à leurs sœurs.

L'Iconoclaste

20,00
Conseillé par (Libraire)
30 juin 2023

Depuis huit ans, M et la narratrice se retrouvent clandestinement dans un chalet au bord d'un lac. Ils ne sont pas en couple, ne se promettent rien, ils profitent du temps qu'ils passent ensemble. M a l'habitude de se baigner chaque jour. Il se noie d'une crise cardiaque. Très perturbée, la narratrice ne peut se séparer tout de suite du corps de son amant, le seul homme qui l'a réellement aimée. Elle le met dans sa voiture et, comme une folle, part pour un voyage funèbre vers l'endroit où elle le quittera définitivement.
Elle raconte dans deux longues lettres sa double vie, et surtout sa vie avec cet amant qui l'a révélée sans jamais chercher à la posséder. Remontent à la surface d'autres aspects de sa vie, un viol, qu'elle est mariée, qu'elle a des enfants. S'installe le malaise de trimballer le corps de son amante

Dans une écriture stylée, Adeline Dieudonné nous livre un roman dérangeant ( comment peut-on se balader plusieurs jours avec le corps mort de son amant sur le siège arrière de sa voiture ?) et original, (quel intérêt y a-t-il à écrire deux longues lettres à l'épouse jamais vue de son amant ?). Elle crée ce contexte décalé pour réfléchir sur la place des femmes dans la société, sur leurs relations avec les hommes, sur ce qui leur est imposé, sur ce qu'est l'amour, le vrai. Elle écrit d'une matière assez minimaliste, racontant juste ce qu'il faut. Autant certaines scènes sont glaçantes, autant d'autres sont drôles, parfois très comiques, frisant le fantastique.
Le roman d'Adeline Dieudonné est en même temps un roman psychologique et le roman d'amour d'une femme qui ne se résigne à ce qu'il soit terminé.
C'est un roman à part, spécial, original, tout à fait ce qu'on pouvait attendre d'Adeline Dieudonné !

23,00
Conseillé par (Libraire)
22 juin 2023

Que Fred Vargas publie un nouvel opus de la série des Adamsberg ne pouvait que réjouir ceux qui ont aimé les enquêtes du fantasque et rêvasseur commissaire jusqu'à "Quand sort la recluse", le dernier roman arachnéen de l'autrice, et qui n'ont pas trouvé leur bonheur dans les deux volumes de "L'Humanité en péril", des essais alarmants sur le changement climatique.
Ne cherchez pas sur la carte, Louviec n'existe pas. C'est pourtant dans ce village près de Combourg que se déroule ce roman. Y vit un Josselin de Chateaubriand qui ressemble beaucoup à son ancêtre et qui attire beaucoup les touristes. C'est un petit village calme où rien de grave ne se passe.

C'est pour une réunion administrative qu'Adamsberg se rend en Bretagne. Il va retrouver le commissaire de Combourg, Franck Matthieu, avec qui il a bien travaillé, de longs mois, sur des crimes très crapuleux. Matthieu en profite pour lui faire connaître Chateaubriand et son histoire.
Après son retour à Paris, Matthieu le rappelle. Un crime a été commis à Louviec, par un gaucher, avec "un couteau Ferrand". Le problème est que le tueur aurait acheté plusieurs de ces coteaux onéreux et fort reconnaissables…
Vargas ne manque pas de nous fournir une galerie de gens bizarres, un descendant de Chateaubriand qui va aux champignons alors qu'il n'en mange pas, un bossu qui se fait retirer sa botte, des gens qui refusent que l’on marche sur leur ombre et d'autres qui marchent sur les ombres des premiers… La nuit, il arrive qu'un fantôme fasse entendre la jambe de bois du Boiteux. Dans ce petit village, Johann, l'hôtelier, est capable de nourrir au pied-levé tout un escadron de gendarmes. Bien sûr, les personnages portent des noms bretons.
Adamsberg se fait confier l'enquête qu'il mène avec Matthieu. Il emmène avec lui une partie de son équipe parisienne, elle aussi originale, dont Mercadet, l'informaticien qui souffre d'hypersomnie, Rétancourt, une puissante et forte femme.
Fred Vargas a l'élégance de faire en sorte que même ceux qui ne connaissent la galaxie d'Adamsberg s'y retrouvent rapidement. Et comme Danglard est toujours en fonction, on a le droit à un cours sur Chateaubriand.
Mais il y a des points faibles. L'intrigue est moyennement crédible. Comme les meurtres se succèdent, une armée de policiers envahit le village, allant même jusqu'à l'encercler. On a du mal à ne pas se perdre dans les nombreuses rues de Louviec. Les très -trop- nombreux policiers mangent beaucoup sans qu'on nous donne toujours les menus. L'hôtelier est généreux avec le chouchen qu'il sert aux policiers comme si c'était du lait ribot.
Le roman se lit fort agréablement et est correctement addictif. Disons qu'au regard de bien d'autres romans policiers, "Sur la dalle" tient la route grâce à tous les personnages fantaisistes, aux comportements extravagants de certains, à l'excentricité du commissaire "pelleteux de nuages", au suspense qui tient jusqu'au dernier chapitre, à la manière de raconter de Fred Vargas. Mais les lecteurs de "L'Homme aux cercles bleus" ou de "Quand sort la recluse" ont connu beaucoup mieux. Peut-être que pour "Sur la dalle", 509 pages, c'est trop ?

Conseillé par (Libraire)
12 juin 2023

Deux familles ont quitté Marseille pour aller peupler l'Algérie vers 1850. Il y a Séraphine, son mari et ses deux enfants, le couple de sa sœur et de son mari. Ils arrivent dans une colonie agricole qui semble perdue au fin fond du pays, lin de tout. Çe qui devait être un coin de paradis est un désastre.

Séraphine se sait abandonnée, elle scande "Sainte et sainte mère de Dieu, pourquoi nous avez-vous abandonnés", une litanie qui accompagne le récit de la décomposition de son rêve. Le choléra tue ses deux enfants et son beau-frère, les baraques à construire en bois, le soleil brûlant, le froid glacial, les pluies trop abondantes, l'angoisse d'une attaque de pillards ou des lions.
L'autre narrateur est un soldat anonyme et obéissant à son chef, un homme brutal dont la conception de la colonisation se réduit à tuer les hommes, violer les femmes et piller les gourbis avant de les incendier. Il braille sans cesse "Nous ne sommes pas des anges". Il le démontre par une brutalité infinie, une inhumanité culminant dans le meurtre d'un vieil homme qui proteste avec douceur contre le viol des femmes "Ce sont nos femmes, sidi mon commandant".
Ces deux voix qui alternent racontent une effroyable conquête de l'Algérie. On attend en vain un sursaut, un peu de calme. Il faut se résoudre, il n'y aucun espoir, aucun salut, sauf peut-être à admettre l'échec et à quitter le pays. Ce récit litanique aux longs couplets est d'une tristesse infinie, un chant de l'absurde et de la sauvagerie humaine.

Les Pyrénées de Hendaye à Banyuls par le Gr10

Cairn

13,00
Conseillé par (Libraire)
5 juin 2023

Jean Eimer a traversé les Pyrénées par le Gr10 dans les années 1980. 39 jours en solitaire dans la montagne laissent des traces dont il a fait le récit dans le journal Sud Ouest et dans un album, La Traversée des Pyrénées (Cairn, 1989). Cette édition reprend son récit en l'augmentant de notes qui n'avaient pas été exploitées dans le cadre du reportage.
Même si son récit n'a pas la précision d'un topoguide, ceux qui ont fait cette traversée constateront que le chemin n'est plus tout à fait le même. Il a subi quelques modifications de tracé, des gîtes sont mentionnées qui n'existent plus et d'autres, nouveaux, ne sont pas cités.

Précisons le niveau du parcours du Gr10 : 922 km, 58.000 mètres de dénivelé positif et négatif, une moyenne de 355 heures de marche en une cinquantaine de jours. C'est le plus complexe et difficile des Gr français.
Il a effectué sa traversée en bivouac, très à l'écoute des personnes rencontrées, des paysages, des écosystèmes, de l'économie. Il rend bien compte de la beauté de la montagne, de l'influence qu'elle a sur la personne qui la traverse, sur son physique, sur son comportement, sur sa philosophie de vie. Il laisse transparaître la réponse à la question de savoir pourquoi on se lance dans une telle traversée, exigeante, rugueuse, mais aussi éblouissante, riche d'enseignements au plan humain. C'est bien pour cela que le randonneur se lance dans cette aventure : pour aller au bout de lui-même, pour se redécouvrir, pour s'enrichir des rencontres des hommes, et aussi de la rencontre avec une nature magnifique, forte et fragile en même temps