Clara

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Une lectrice sans prétention, amoureuse de la vie qui habite au bout du monde (ou presque). Et un blog pour parler lectures : http://claraetlesmots.blogspot.fr

Actes Sud

9,30
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10 juin 2019

Au large de San Francisco, Miranda débarque sur les îles Farallon pour une année. La jeune femme photographe et bourlingueuse sans attaches a pour colocataires des biologistes. Spécialiste de la photographie d’environnements bruts et naturels où l’interférence humaine est quasi inexistante, Miranda n’a pas droit à un accueil des plus chaleureux. Obnubilés par leurs travaux d’études sur les animaux, les six scientifiques sur place sont peu loquaces.

Dans ce décor loin d’être hospitalier, les journées se déroulent selon l’activité des oiseaux, des phoques ou des requins. Avec une écriture qui fait appel à tous le sens, très rapidement une certaine tension s’installe car le danger ne vient pas forcément de l’environnement mais des humains.
Absolument prenant et impossible à lâcher, ce premier roman conjugue des descriptions passionnantes de ces îles et des espèces animales tout en distillant un vrai suspense.

Les sentiments sont merveilleusement rendus tout comme le questionnements de Miranda. De main de maître, Abby Geni nous harponne pour mieux nous surprendre jusqu’à la dernière page.
Un roman fascinant et dépaysant, âpre et hypnotique, lu en apnée totale!

17,00
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7 juin 2019

https://claraetlesmots.blogspot.com/2019/06/arnaud-dudek-laisser-des-traces.html

Maxime Ronet a toujours eu l’ambition de faire de la politique avec la volonté de se rendre utile. Un parcours rondement mené l’a conduit à la tête de Nevilly, une commune de près de soixante mille habitants, avec comme objectif de faire mieux que ses prédécesseurs. Depuis son élection, il n’a pas une minute pour lui entre les réunions, les inaugurations, les diverses demandes qu’il veut honorer. Ce jeune maire dynamique et plein d’entrain membre d’un nouveau parti politique s’investit corps et âme. Il se veut droit et serviable, et espère un jour qu’on se souviendra de lui avec reconnaissance.

Souriant avec le bon petit mot qui va bien, la poignée de main cordiale, il a tout pour réussir jusqu’ à ce qu’il commette un faux pas. Une erreur ou un lapsus ? On ne sait pas trop d’ailleurs. Pour redorer son blason, Maxime met les bouchées doubles jusqu'à ce qu'un dramatique accident survienne. Profondément ébranlé, ce jeune loup de la politique abandonne ses rêves auréolés de vanité et renoue avec ses idéaux sans être naïf. Dénué de ses oripeaux, il nous apparaît plus humain. Plus modeste aussi.
Sans temps mort avec des pointes d’ironie caustique et cette tendresse infusée par petite touches au détour d’une phrase, ce roman doux-amer et réaliste se croque comme une petite friandise.

"Laisser des traces. On aimerait tous en laisser. Mais ce qui compte, ce sont les toutes petites traces qu’on peut laisser chez les autres. "

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5 juin 2019

Qui n’est pas raciste ici ? Ce sont les premiers mots prononcés par Akli Tadjer devant une classe d’élèves de terminale dans un lycée de province. Où exactement ? Peu importe à vrai dire. Dans ce lycée technique, certains des élèves ont refusé de lire "Le Porteur de cartable" sous divers prétextes racistes (des mots de vocabulaire en arabe, un personnage prénommé Messaoud car l’histoire se déroule durant la guerre d’Algérie). Leur professeur a invité l’auteur, Akli Tadjer, en lui exposant les faits. Et malgré cette levée de boucliers, il a accepté.

Qu’est-ce qui pousse ces jeunes à penser de la sorte? Pourquoi ? S’articulant sur les prétextes invoqués et sur le déroulement de sa rencontre avec ces élèves, l'auteur nous interroge, nous explique comment la peur et l'ignorance conduisent à la haine.
En puisant dans ses racines, dans son parcours et dans l’Histoire, en démêlant préjugés et désinformation, Akli Tadjer nous parle d’identité, de l’Autre et d’altérité.

Avec conviction et sincérité, ce livre intelligemment émaillé d'exemples et de souvenirs est un cri du cœur puissant. Il nous touche, nous émeut et nous fait sourire aussi.
On a juste envie de remercier Akli Tadjer.
Percutant et indispensable, à mettre entre toutes les mains.

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3 juin 2019

A plus de quatre-vingt ans, Baba Dounia est considérée comme une sorte d’héroïne dans sa région. Il faut dire que depuis la catastrophe nucléaire, elle est revenue s’installer dans son village de Tchernovo tout proche de Tchernobyl. D’autres lui ont pris le pas et ils sont désormais une poignée à vivre en quasi autarcie.

Femme de caractère téméraire et un brin têtue, Baba Dounia aspire à vivre tranquillement. Dans cette zone de la mort où toute normalité a disparu, son sens de l’humour est souvent incisif. Loin d’être irresponsable et attachée à ses racines, elle est irrésistiblement attachante tout comme ses voisins. Tous sont conscients des risques qu’ils encourent, tous se débrouillent malgré la vieillesse et les petites chamailleries. Alina Bronsky n’occulte en rien les conséquences de Tchernobyl, elles apparaissent par petites touches sous le regard acéré mais empli de sagesse de Baba Dounia. On éprouve de tendresse et de l'admiration envers cette femme qui malgré la réalité abîmée garde de l'amour.

Avec des personnages hauts en couleurs veillant les uns les autres mais aussi sur leur environnement, ce roman offre une belle pudeur et un ton légèrement décalé pour parler de l'absurdité humaine.
Alina Bronsky a trouvé l'équilibre subtil entre humour, fantaisie et légèreté apparente.

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31 mai 2019

https://claraetlesmots.blogspot.com/2019/05/matteo-righetto-ouvre-les-yeux.html

Luigi et Francesca se sont aimés pendant de longues années, un bonheur qui a donné naissance à Guilio. Et comme il arrive parfois le couple s’est délité. Chacun s’est renfermé de son côté avec à la clé une séparation vécue difficilement par leur fils devenu adolescent. Selon l’expression consacrée, chacun a refait sa vie mais Luigi et Francesca vont se donner rendez-vous pour réaliser à nouveau l’ascension du Mont Latemar dans les Dolomites. Je n’en dis pas plus sur le pourquoi et les circonstances.

Entre passé et futur, on pénètre dans la sphère de Luigi et Francesca. Loin d'être que le récit d’une histoire d’amour qui se conjugue désormais au passé, l'auteur nous décrit avec sobriété et pudeur ces petits riens de bonheur, les souvenirs et la violence de la douleur lancinante. Dans un décor de montagnes, Luigi et Francesca avancent dans leur but et sur eux-même malgré les douleurs. Les cheminements intérieurs accomplis, la complicité retrouvée et l'humilité ressentie devant la grandeur de la nature sont de véritables baumes.

Touchée-coulée par la narration intimiste de Matteo Righetto, ce roman lu en apnée m’a apportée des poissons d’eau dans les yeux. Sans pathos ou effet de manches, il s'agit d'une lecture délicate et sensible à la beauté mélancolique.