Mirontaine sta leggendo

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Professeure des écoles par correspondance et lectrice passionnée autant en littérature de jeunesse qu’en littérature générale.

19,30
13 octobre 2010

"Si je veux dormir dans un monde si décevant, je n'ai d'autre choix que de me raconter des histoires comme si j'étais mon propre enfant."

C'est Nora qui s'exprime. Nora a la trentaine. Elle a survécu à la mort et poursuit sa route avec un certain mal de vivre.

Elle nous livre ses interrogations, futiles, frivoles, pertinentes tandis qu'une épidémie de variole sévit. Son attrait pour la mort devient trivial, banalisé par les évènements.

Fanny Chiarello évoque avec un style très particulier cette humanité bouleversée. En choisissant le microcosme de la colocation à Socorro, Nora et ses amis offrent un ultime espace-temps de partage fraternel.

La force de ce roman réside dans la capacité de l'auteur à mettre en place un personnage très atypique. Nora, de nature mélancolique, s'interroge sur le monde. La manière de livrer ses pensées comme une tempête sous un crâne m'a fascinée. Les pensées telles des bulles, se posent délicatement sur ses lèvres parfois, sur ses carnets d'écriture et cette ébullition est surprenante.

Nora, rescapée du coma, a une perception de la vie et de la mort très particulière. Elle est tour à tour fragile mais lucide sur notre monde. Plus l'épidémie sévit, plus Nora se concentre sur ce gynécée cérébral et se coupe littéralement du monde extérieur.

J'aime beaucoup l'humour du personnage sous la plume de Fanny Chiarello.…A la fin du roman, le réel et l'imaginaire se superposent.

« Je me souviens de l’amour. L’amour est l’une des créations de l’esprit auxquelles j’ai autrefois adhéré avec le plus de hargne. Il s’agit en substance de porter son attention sur une personne (avec ce manque de discernement que, par élégance, on appelle plutôt intuition) et de la plier minutieusement de manière à la faire entrer dans un costume dont on a dessiné le patron dans le noir. Une discipline que je situerais quelque part entre la prestidigitation d’Houdini et l’origami de compétition. »

Fanny Chiarello est née à Béthune en 1974, elle a publié plusieurs textes dans des petites maisons d'édition.


18,25
13 octobre 2010

La zingarina raconte le départ d'une jeune fille tsigane. A quinze ans, Stellina fuit sa famille la veille de son mariage forcé. Sa famille brûle sa caravane, elle observe ce feu, cachée dans les buissons. On suit Stellina sur les chemins. Son but: retrouver Django Reinhardt, le cousin de son père. Les paroles de son grand-père Narado sont ses seules valises.

"Une zingarina ne montre jamais ses larmes quand elle est triste: elle se redresse et elle danse".

Les chemins réels et imaginaires se croisent pour offrir au lecteur un roman d'inspiration autobiographique. Sandra Jayat est écrivain et peintre. Elle a organisé la première Mondiale d'Art Tsigane à la Conciergerie de Paris.

On prend la route avec Stellina. Une fois la Porte d'Italie franchie, la zingarina commence à écrire des poèmes Place du Tertre. Ses pas l'emmèneront bientôt à saint Germain des Prés où beaucoup tomberont sous le charme de cette "herbe sauvage". Marcel Aymé, Jean Cocteau (qui dessina la couverture de son premier recueil), Philippe Soupault, Roger Caillois, Henri Mahé, l'ami de Céline, Lucette Almanzor, la veuve de ce dernier, qui l'héberge à Meudon où elle écrira ses premiers textes : ils ouvrirent tous grands les bras à cette tsigane tombée du nid et si douée. Ses peintures fleurissent les expos aux côtés de celles de Dali et Chagall.

La zingarina est envoûtante. Elle a choisi la liberté. Son périple se déroule comme un long ruban de poésies. Sa vie de bohème dans le Paris artistique est un sublime poème.

L'errance est sublimée par la danse, la peinture, les rencontres prometteuses. La chance et l'espoir émaillent ce récit d'une luminosité. Les couleurs chatoyantes enrichissent la toile de cette bohémienne devenue artiste peintre et poète.

Je repose ce roman avec l'envie de découvrir la peinture de Sandra Jayat ainsi que ses poèmes.

Éditions de L'Olivier

16,70
13 octobre 2010

"Elle pense qu'elle est en train de chercher la bonne position pour vivre, comme on cherche la bonne position pour dormir..."

Voici mon coup de coeur de Septembre! Un très beau roman de Valérie Zenatti, auteure que je découvre.

"Enveloppée par l'obscurité et le silence de la nuit, elle avait le sentiment de revenir à elle. On cessait de bourdonner à son approche pour lui réclamer mille et une choses. Son esprit endolori pouvait enfin se détendre "(p12).

Emmanuelle s'offre une pause dans sa vie trépidante de maman de trois enfants. Le temps d'une journée, elle s'offre le luxe de fuir ses impératifs afin de lire son roman. Cette fuite sera l'occasion de faire le point sur sa vie. L'envie d'Emmanuelle est d'apprendre à connaître Lila Kovner, héroïne de son roman. Lila est photographe et tente de se reconstruire après le décès accidentel de son amour Malik. Un écho dans la vie d'Emmanuelle qui vient de perdre sa meilleure amie Héloïse.

Héloïse et Emmanuelle partagent la même souffrance d'une maman partie trop tôt. La lecture de ce roman relatant la vie de Lila Kovner va l'affranchir de toutes ces cordes qui la retiennent dans son élan de vie.

"Elle n'avait qu'une hâte: retrouver le livre, se sentir absorbée par lui, reprendre sa place dans cette vie secrète et intense où tout lui était possible, où tout était vivable " (p41).

Comme Emmanuelle, je me suis laissée emporter par le roman de Valérie Zenatti. L'auteure construit deux romans en somme, la vie de Lila Kovner se déroule en même temps qu'Emmanuelle tourne les pages de son roman et s'interroge sur sa propre vie. C'est un formidable roman sur le pouvoir de la lecture, sur cette possibilité d'éclairer ses propres choix de vie.

Lila Kovner devient peu à peu son âme soeur. La fin de ce roman est surprenante...Peut-être le roman intercalé de la vie d'Héloïse m'aurait davantage séduit que la vie de cette photographe de guerre. Une belle plume toute en sensibilité, un style très fluide, Zenatti abuse parfois de la périphrase mais Les âmes soeurs m'ont enchantée.


13 octobre 2010

Voici une oeuvre céleste, Sur l'épaule de l'ange d'Alexandre Romanès.

Un auteur qui semble tombé du ciel. Auteur autodidacte, Alexandre Romanès a créé le cirque du même nom. Ce patriarche de la piste est un auteur en liberté. Il rassemble des textes très émouvants, sincères et parfois grinçants.

Sur l'épaule de l'ange est son troisième livre. Il rassemble des textes très épurés. La beauté des textes réside dans cette forme à la limite de la poésie. Le poème disparaît lui même pour laisser place à la force de l'émotion, d'une rencontre, du bonheur quotidien. Ces poèmes sont rédigés au fil des jours. Rien n'est plus fort que la parole.

On ne sait si Alexandre Romanès formule des vers, des phrases nues mais il a cette faculté de rendre à chaque chose sa poésie: le sourire d'un enfant, le temps qui passe et les réminiscences de l' être aimé. Il évoque sa femme Délia, son père également avec qui il cherche à se réconcilier. Ce père était Firmin Bouglione. A la suite de sa rencontre avec Délia, il changera d'identité et adoptera celle de sa compagne tsigane d'origine roumaine.

La première partie du recueil nommée "Pièces pour luth" est un très bel ensemble où les textes se font écho pour former une singulière composition musicale.

"Un poète m'a dit:

Alexandre, tu m'as aidé à passer

les dernières années de ma vie.

Si je devais mourir demain,

je dirais la même chose

à mes filles."

13 octobre 2010

J'étais en quête d'un bon roman pour commencer cet automne, d'un formidable compagnon pour ralentir le temps, pour pénétrer dans une bulle de douceur contemplative. J'ai ouvert ce roman et j'ai pris mon temps...

Helmer vit seul. Dans la ferme familiale, son père se prépare au grand et ultime voyage.

Un beau matin, Helmer décide d'installer son père dans la chambre "là-haut", où "tout est calme". Est-ce déjà l'antichambre du paradis?

Les journées s'écoulent en compagnie des animaux. Le temps s'étire. Le quotidien est rythmé par les travaux de la ferme.

J'attends. Le journal est devant moi, sur la table, mais je ne peux pas lire. Je suis assis, les yeux fixés au-dehors. La pendule ronronne, tout est calme là-haut, il reste quelques gorgées de café froid dans ma tasse. Il n'y a pas que là-haut que c'est calme, c'est calme partout, la pluie bat doucement sur le rebord de la fenêtre, la route est mouillée et déserte. Je suis seul, je n'ai personne contre qui me blottir."

Helmer a une vie brisée depuis la mort de son frère jumeau Henk. Il tente d'enterrer les souvenirs mais Riet,la fiancée de Henk réapparaît dans sa vie.

Gerbrand Bakker brosse le portrait de personnages rudes aux creux de ce roman d'atmosphère. Le père tyrannique et machiavélique me rappelle certains personnages de Mauriac.

Le thème de la gémellité pred tout son sens dans cette quête quotidienne du bonheur pour Helmer: tenter d'oublier la disparition de son frère noyé en s'immergeant à son tour dans l'eau à Heather Hill. Plonger pour mieux refaire surface et faire ce constat heureux ou malheureux de sa solitude et de sa singularité.

La narration est ponctuée par l'apparition d'une corneille mantelée. L'oiseau serait-il de mauvaise augure? Tenterait-il d'annoncer la mort?

Je vous laisse découvrir ce sublime roman, cette renaissance symbolique d'un homme qui toute sa vie s'interroge sur sa condition de "moitié d'homme".