Williams Sassine, écrivain guinéen francophone, mort en 1997, est une figure originale des lettres africaines, hélas trop méconnu. Le livre d'Elisabeth Degon "Willimas Sassine : itinéraire d'un indigné guinéen" (Karthala) rend un bel hommage à cet homme « discret aux multiples facettes », fils d'un libanais chrétien et d'une Africaine musulmane. "Saint Monsieur Baly" est certainement son roman le plus célèbre. Il met en scène un enseignant forcé de prendre sa retraite et qui, face au nombre croissant d'enfants non-scolarisés, décide de créer sa propre école envers et contre tout, envers et contre tous. Car on peut le dire, le naïf monsieur Baly ne rencontrera pas beaucoup de soutien pour mener à bien son projet. Un combat désespéré qui fait de ce roman un texte poignant et d'une grande humanité. Jacques Chevrier évoque ainsi l'oeuvre de Willaims Sassine comme le « récit du malheur des temps ».

« D'un enfant, nous devons apprendre plus que nous ne pouvons lui enseigner, puisqu'il porte en lui le monde que nous n'aurons pas le temps de vivre, alors que lui a la possibilité de connaître l'essentiel de ce qui existait avant lui : ainsi parla mon père à la naissance de mon fils aîné Malick le 2 juin 1987 à Ouagadougou. » écrit Sami Tchak. Comme son titre l'indique, "Ainsi parlait mon père" est un hommage vibrant et émouvant de l'auteur à son père. Forgeron du village, cet homme infirme et travailleur, fut un confident et un transmetteur. Fier d'avoir un fils sachant lire et écrire, cela ne l'empêcha pas toute sa vie durant, de raconter des histoires et donner des conseils à ce fils prodige. Ce sont ces paroles que Sami Tchak partage avec beaucoup d'amour filial.

Gaby, dix ans, vit avec sa petite sœur Ana et leur papa dans un quartier d’expatriés à Bujumbura au Burundi. Son père, français, est séparé de sa mère, rwandaise d’origine Tutsi. Dans leur planque, un vieux van, Gaby retrouve sa bande de copains avec lesquels il fait les 400 coups. "Petit pays" c’est le Burundi dans les années 1990. C’est le génocide rwandais raconté à travers les yeux d’un jeune adolescent. Ce sont des mois de folie meurtrière contre une ethnie, les Tutsi. Mais dans ce paysage sombre, ensanglanté, Gaby trouve un échappatoire en se plongeant dans les livres de la bibliothèque de sa voisine grecque. "Petit pays" est un roman émouvant, un voyage aux senteurs de mangue. C’est aussi le récit bouleversant, plein d’amour et de nostalgie de Gaël Faye envers son Petit pays

Perdu dans les montagnes, le lycée Notre-Dame du Nil est reconnu dans tout le Rwanda pour former les filles des plus puissantes familles de la nation. Elles seront éduquées à devenir de bonnes chrétiennes et de respectables épouses et mères. Nous découvrons au sein de ce pensionnat les premiers émois, les amitiés qui se tissent, les croyances et héritages d'un peuple... Hélas, la haine n'est jamais loin, en témoigne le quota de 10% d'élèves Tutsi autorisées dans l'école. Le talent de Scholastique Mukasonga s'exprime dans ce roman aux allures de huis clos, où elle dépeint magistralement la montée en puissance de l'horreur. Ce texte nous marque par sa finesse, tant dans l'acuité des portraits qui se succèdent que dans la représentation des colons, figures discordantes qui pervertissent les traditions d'un peuple.

Premier roman très remarqué de la Franco-Rwandaise Beata Umubyeyi Mairesse, "Tous tes enfants dispersés" est un roman bouleversant, habité par les chagrins et les silences. Tout comme son autrice, Blanche a fui le génocide des Tutsi en 1994. Aujourd'hui, elle est mariée à Samora et vit à Bordeaux, elle est la maman de Stokely. Sa mère, Immaculata n'a jamais quitté « le pays des mille collines ». Son frère, Bosco, a participé aux combats. Quand Stokely commence à interroger ses origines, Blanche renoue avec Immaculata. Leurs trois voix s'alternent alors et nous plongent avec pudeur dans un passé extrêmement douloureux fait de doutes, de culpabilité, de secrets et d'amour maternel. Un roman poignant qui interroge les origines, l'exil et la transmission avec beaucoup de talent.