Les temps sombres

Jacques, tu gagnes ces instants d’écriture sur le rien et le vide, source de ton désespoir. Mais sans ce vide, ce rien comment pourrait-on renaître à soi-même. Ce rien et ce vide mangent ton rêve ? Et chaque jour de tes jours est une lutte qui ressemble à la mer qui veut reprendre ses droits sur la terre. Tu es la terre et la mer est ce rien qui t’ensable. Les mots de ce livre sont comme des chevaux de Troie à l’assaut du chagrin et de l’amertume. J’allais écrire le mot amaritude en pensant au grand poète lyonnais amoureux de sa Délie. Tu es un homme d’une autre époque et pourtant complètementde ces siècles imprudents que sont nos XXè et XXIème siècles. Quel est ce Merlin qui en toi s’est enfermé dans ta chambre pierre de lune ? Viviane est-elle une fée Morgane dont on ne peut se départir ? Ce temps sombres est un livre de vérités, d’étranges vérités. Accepte donc les mains de ce Merlin mi-dieu, mi-homme fils du diable puis qu’il te tend ses bras magiciens et ses regards qui transpercent les secrets des âmes. Et « un sommeil aux draps chauds sera ta récompense ». Tu l’écris en substance dans les chemins, dans les paysages, dans les regards ce qui redonne sens à ton existence. Ainsi les falaises de la Hague à Gruchy, chez Jean-François Millet sont devenus un lieu de prédilection comme un avant poste au pays de la douleur d’être au monde et des paradoxes. Tes poèmes en prose de ces temps sombres disent cela. Tout se passe comme si tu étais au chevet de douleurs qui sont les tiennes et qui ne sont pas les tiennes. Y aurait-il au fond de ton âme le drame de la métamorphose Kafka ? Appelles-tu au secours. non je ne le pense pas. Ou alors il faudrait lire les textes de cet ouvrage comme un secours. Ils collent si bien ( style et forme confondus) à des états d’âme romantiques véritables . Je pense de ce point de vue à François-René de Chateaubriand et ses Mémoires d’outre tombe qui décrivent avec bonheur cette âme romantique. Tes photographies et tes dessins rendent complètement vivants les marées de tes chagrins et de tes regards. « Marcher nulle part » écris-tu. Mais ce qui est important n’est-ce pas de marcher tout simplement ? Et semer par ses pas mêmes, les graines du vent des rencontres ? Ce que je retiens de ce beau livre, c’est le cri sauvage et silencieux d’un homme vrai. Il y en en toi un coeur de jade et tu ne veux pas le voir, peut-être... - Luc Vidal(extrait de la « lettre préface »)