Du côté de Canaan

Sebastian Barry

Joëlle Losfeld

  • Conseillé par
    8 janvier 2013

    Un gros coup de cœur pour ce roman de la sélection ELLE ! Patiemment, j’attendais cette lecture. Respirer au rythme d’une histoire portée par une écriture magnifique. J’ai trouvé cette alchimie dans le souffle de Lilly. Une vieille dame âgée de quatre-vingt neuf ans d’origine Irlandaise vivant aux Etats-Unis. Son unique petit-fils Bill qu’elle a élevé s’est donné la mort après avoir participé à la guerre du Koweit. Lilly décide d’écrire son passé noir sur blanc et tout naturellement ses souvenirs trouvent leur place dans le récit.

    Les guerres jalonnent l’histoire de Lilly. Bornes historiques, témoins sans visage laissant derrière eux douleurs et manques cruels. Alors qu’elle n’était qu’une jeune fille Irlandaise, la première guerre mondiale a eu besoin de son frère Willie. Il n’en est jamais revenu. Lilly Dunne, orpheline de mère et fille du chef de la police royale de Dublin, deux sœurs et un frère mort pour une guerre alors que le pays lui-même comptait ses victimes au nom de l’IRA. Il aura fallu que Tadg Bere un camarade de régiment de Willie lui demande de lui écrire pour que la vie de Lilly prenne un autre tournant, l’éloignant définitivement de l’Irlande. La tête de Tadg Bere et celle de Lily sont mises à prix par l’IRA, Tadg étant un partisan de la Grande Bretagne. Avec deux noms de personnes Irlandaises installées à New-York et à Chicago qui pourront les aider, Lilly et Tadg embarquent pour les Etats-Unis.

    A peine arrivés, Tadg est tué. A dix-neuf ans, Lilly se retrouve seule, elle sait qu’elle sera la prochaine victime. En la personne de Cassy, elle trouve une aide et une amie. La jeune femme lui obtient un travail de domestique chez le couple qui l’emploie. Cassy dont la peau noire causera sa perte. Mariée à Joe Kinderman, le droit au bonheur sera de courte durée. Enceinte alors qu’elle ne l’espérait plus, son mari disparait. Lilly élève seule son fils Ed qui partira combattre au Vietnam et qui en reviendra définitivement meurtri et cassé. A plus de soixante-cinq ans, Lilly accepte Bill âgé de deux ans sous son toit. La voilà repartie à tout enseigner à ce petit bonhomme avec amour. Mais le sort s'acharne comme les guerres.

    Lilly nous raconte son histoire avec dignité et sincérité. A quoi bon mentir ou se voiler la face à son âge ? Elle regarde par dessus son épaule et voit des moments heureux ou tristes, des personnes sincères, bienveillantes ou un peu moins, son attachement à son pays. Témoignage qu'elle nous livre sans fard ou pathos avec un naturel d'une simplicité poignante
    L’écriture de Sebatien Barry est magnifiquement belle, émouvante et tendre.
    Je suis heureuse d’avoir rencontré Lilly, une femme aimante, généreuse et tellement attachante !
    Une lecture pépite en apnée totale !!!


  • Conseillé par
    26 septembre 2012

    American dream!

    Auteur et dramaturge irlandais dont j'avais beaucoup aimé "Un long long chemin".
    Ici, dans le sillage de bons nombres de ses compatriotes, nous prenons le chemin de l’exil.
    "Bill n'est plus" est la phrase qui commence ce livre.
    Chaque chapitre énumérera les jours sans lui et donnera l'occasion à Lilly Bere, quatre vingt neuf ans de se remémorer sa vie. De son Irlande natale aux États-Unis où elle attend la mort! Celle-ci a d'abord pris Billy son petit fils qui s'est suicidé, mais qui a poussé la correction jusqu'à se donner la mort un samedi, pour que son corps ne soit pas découvert par les enfants de l'école.

    Elle se souvient de son enfance, qu'elle met en page laborieusement ligne après ligne. La mère qu'elle na pas connue, ses sœurs, Maude morte depuis très longtemps, Annie, son frère Willie, bref l'Irlande ancienne sous la domination britannique dont son propre père était d'ailleurs un des instruments.
    Elle est âgée et partage sa vie avec sa voisine madame Wohlan qui est aussi un peu sa bienfaitrice. Il y a aussi monsieur Dillinger, jeune homme de soixante-dix ans, excellent écrivain qui va en pèlerinage dans une tribu sioux!
    Les jours défilent, la confusion s'installe dans la tête de Lilly, l'Amérique maintenant ou l'Irlande dans le passé. Les guerres irlandaises, l'indépendance espérée pour certains, mais pas pour d'autres, l’apparition de Tadg Bere dans sa vie, leurs fiançailles, l’ambiguïté résultant de la position de son père, et aussi de Tadg, la fuite. Car l'histoire est en train de tourner, l'Irlande ancienne se meurt et la nouvelle n'a que faire des anciens partisans de la Grande-Bretagne.
    La découverte de l'inconnu, l'Amérique et son immensité, Tadg cet homme qu'elle croyait connaître, le cousin qui a déménagé dont on ne retrouve pas l'adresse, et enfin l'installation à Chicago....mais l'Irlande n'oublie pas, Tadg tombe sous les balles d'un tueur.
    Mais malgré le chagrin la vie continue, à Cleveland, destination due au hasard, entre deux trains en choisir un.....
    Lilly Bere, née Dunne est devenue un vieille dame charmante, pourtant la vie ne l'a pas épargnée. Les hommes, ses hommes, Joe, son mari mystérieusement volatilisé alors qu'elle était enceinte, pourquoi ? Ed son fils qui lui disparait à son retour de la guerre du Vietnam. Et Bill le petit fils au destin lui aussi tragique.
    Durant toute une vie, quiconque rencontre beaucoup de personnages, cela se vérifie dans ce livre. Dans le melting-pot américain, ils viennent de différents horizons.Des Irlandais, bien sûr mais aussi Cassie, l'ami de couleur victime du racisme ordinaire de l'époque, un épicier grec, un descendant d'Européens de l'Est, Nolan jardinier du Tennessee dont le grand père est venu d'Inishmore , mais l'harmonie semble presque parfaite.
    L'auteur, pour qui tous les romans ont un lien, même si la chronologie n'est pas tout à fait respectée, nous parle du père de la narratrice, James Patrick Dunne, nous renvoyant par là à ses œuvres ,"Le régisseur de la chrétienté" "Annie Dunne" et "Un long, long chemin". Ancien chef de la police de Dublin, il combattit activement les ouvriers menés par Larkin. Willie Dunne lui est mort au combat, Annie eut une vie sans réelle joie.
    Des luttes ouvrières à Dublin au début du siècle dernier, à la guerre du Koweït, la vie et la mort, l'épopée somme toute banale d'une femme ordinaire. Une double narration, avant et maintenant. La saga de cette famille en plusieurs romans à travers la vie de plusieurs membres de la fratrie.
    Un exemple de très belles phrases trouvées dans ce livre :
    -J'ai froid parce que je ne trouve pas mon cœur.