Inge en guerre, Récit

Svenja O'Donnell

Flammarion

  • Conseillé par (Libraire)
    27 août 2020

    Bouleversant

    C’est un peu comme ouvrir une boîte à chaussures dans laquelle s’entassent des photos couleur sépia avec au dos un nom, un lieu, une date, un visage, et l’envie de savoir qui se cache derrière celui ou celle qui sourit à l’objectif. C’est cette démarche que suit Svenja O’Donnell en partant sur les traces de sa grand-mère Inge. Née en 1922, à Königsberg en Prusse Orientale, Inge va y grandir pendant la montée du nazisme. Peu loquace, peu affective, que fit elle pendant cette période? Ce n’est pas sans crainte que l’autrice se décide à fouiller le passé d’une ascendante allemande marquée par sa nationalité, comme coresponsable de l’horreur nazie. Le livre hésite, tâtonne, cherchant à savoir si Inge faisait partie des « bons », des « méchants », ou de ceux « qui se trouvaient au milieu ». Peu à peu au rythme syncopé de la parole libérée de la grand-mère les secrets se dévoilent et l’ouvrage prend une ampleur nouvelle, les souvenirs familiaux s’entrecroisant avec la grande Histoire. En suivant Inge, ses parents dans leur incrédulité, leur hésitation, leur opposition silencieuse face au nazisme et enfin leur fuite en 1945, on voit défiler devant nos yeux des milliers d’êtres vivants marqués dans leur chair, leur quotidien, par la guerre que leur peuple a voulu.
    Le monde binaire s’efface progressivement.
    L’historienne enquêtrice s’interroge sur le droit et le bien fondé de ses recherches susceptibles de raviver des blessures enfouies. En la lisant on peut simplement lui dire que grâce à son travail, sa grand-mère qui a tu ses « secrets », plus sûrement ses souffrances, pendant soixante dix ans a enfin trouvé une oreille sensible capable de la soulager d’un poids immense. Inge est décédée en septembre 2017, dans son sommeil, à 93 ans en Pologne. Sereinement et sans souffrances. Elle s’était délestée à temps de ses fantômes.

    Livre conseillé par Marie et Eric