Les fureurs invisibles du coeur

John Boyne

Le Livre de poche

  • Conseillé par
    1 avril 2021

    Reniée par sa famille, bannie du village par le prêtre catholique, Catherine Goggin se retrouve à Dublin à seize ans, enceinte et sans le sou. En cette année 1945, dans la très catholique Irlande, les filles-mères sont considérées comme des prostituées et n’ont souvent d’autre choix que de confier leurs bébés à l’adoption. Son fils devient donc Cyril Avery, l’enfant d’un couple aisé et excentrique qui l’accueille avec charité mais indifférence. Il ne sera jamais un vrai Avery, qu’il se le dise ! Cyril a sept ans quand il fait la connaissance du fils de l’avocat de son père adoptif et éprouve un véritable coup de foudre pour le beau et sûr de lui Julian. Ainsi Cyril se découvre gay et en grandissant il va affronter les préjugés et la sévérité d’un pays qui ne se contente pas de bannir les homosexuels. On peut les emprisonner, les tabasser et même les tuer tant ils sont des dégénérés insupportables dans une société encore régie par un clergé catholique intolérant et rigide. Son salut viendra avec sa fuite et c’est hors de l’Irlande qu’il pourra enfin s’épanouir, aimer, être aimé et assumer sa sexualité. Viendront les années 80, le Sida, des rencontres, des pertes, des deuils, des retrouvailles et l’espoir de retourner en Irlande pour enfin se réconcilier avec son pays, son passé, son histoire.

    Oh là là quel livre !! L’épopée d’un homosexuel irlandais de 1945 à 2015 avec une galerie de personnages hauts en couleurs, des drames, des joies, de l’amour, de la haine, du sexe et des curés.
    L’ombre de John Irving plane sur Les fureurs invisibles du cœur et John Boyne ne s’en cache pas, le livre lui est dédié et son personnage lit Le monde selon Garp. On retrouve l’ambiance de A moi seul bien des personnages, pour le cheminement d’un homosexuel et l’évolution de la société. S’y ajoute une similitude avec les thèmes abordés dans Inishowen de Joseph O’Connor ou Philomena de Martin Sixsmith.
    Mais qu’on ne s’inquiète pas, John Boyne a son propre style. Entre tendresse, tristesse, réalisme et une bonne dose d’humour, il nous emporte dans le tourbillon de la vie d’un homme né trop tôt, au mauvais moment, au mauvais endroit. Tant d’années gâchées à vivre dans la honte, à se contenter de rapports sexuels rapides, discrets, la peur au ventre. John Boyne en profite pour égratigner une société puritaine et hypocrite, une religion catholique qui l’est tout autant et critique vivement les hommes d’église, moralisateurs, intolérants, toujours prêts à juger et à condamner. Cyril Avery est un personnage qui émeut, qui agace mais qu’on accompagne avec bonheur tout au long de ces plus de 800 pages, avec tous ceux qui l’entourent, ses curieux parents adoptifs, son meilleur ami et amour de jeunesse, sa mère biologique, son épouse légitime, son grand amour, etc., tant de personnages bien décrits, à la forte personnalité, qu’on quitte avec regret.
    Tout sonne juste dans ce roman addictif, émouvant et plein d’espoir. Un énorme coup de cœur.