Ouvrir son coeur

Alexie Morin

Le Quartanier

  • Conseillé par (Libraire)
    24 août 2019

    Dans le détail

    C'est l'une des merveilles de cette rentrée, le récit sensible et acéré d'une enfance, d'une adolescence en marge, la parole intime d'une jeune fille qui cherche sa place dans le monde, qui cherche à comprendre comment elle voit le monde et comment le monde la voit.

    En courts chapitres tissés de confessions et de doutes, Alexie Morin dépeint les années décisives de son existence, l'école, les boulots d'été, les blessures qui ont fait d'elle ce qu'elle est aujourd'hui. "Ouvrir son cœur" parle de cette difficulté à écrire sur sa propre vie, et évidemment, en filigrane, de la difficulté à dire notre propre vie, à nous la représenter entièrement, en dépit de notre mémoire morcelée en milliers d'épisodes parfois insignifiants.
    Livre d'un personnage, c'est aussi le livre d'une époque, les années 90, fourmillant de détails, comme si l'autrice avait eu à cœur de récupérer tout au fond d'elle, de peur qu'ils ne disparaissent, le moindre vêtement, le moindre appareil, la moindre sensation d'autrefois, comme s'il fallait aussi brosser le tableau le plus complet possible afin qu'il se rapproche de la vérité, ajouter des ombres, redessiner les courbes des jours, de la même manière que la jeune Alexie travaille ses dessins sur les bancs de l'école.
    "Ouvrir son cœur", finement, subtilement, raconte tout cela et bien plus : l'amitié d'abord, ce fil fragile et invisible qui unit les enfants et peut se rompre à tout moment ; la colère aussi, qui saisit la narratrice quand l'injustice lui pèse trop ; l'art enfin, les livres, le dessin, la musique, le panthéon adolescent dont on ne mesure pas à quel point il nous construit.
    C'est un récit vrai, un concentré de vie distillé par une voix d'une grande justesse, un roman à côté duquel vous ne devez pas passer.


  • 31 octobre 2019

    « Quand rien ne sort, les autres ne peuvent pas comprendre de quoi il s’agit. {…} il me faudrait écrire les mots sur un bout de papier. Il y a aussi le moment, qui vient, un peu avant ou un peu après le mutisme, où je ne peux non plus parler parce qu’instantanément je pleurerais, à cause de ce surplus d’émotions et de sensations dont le mélange ne porte pas de nom connu, et de frustration, parce que les mots refusent de s’aligner, les phrases s’enfoncent toutes en même temps dans ma tête, l’une par-dessus l’autre. »
    C’est le journal d’Alexie Morin. Des pans entiers de sa vie qui se déroulent uniquement dans sa tête, difficile voire impossible de montrer ce contenu. Elle distingue l’estime de soi et la confiance en soi. Parfois elle accède à des états de grâce qui laissent des traces. C’est l’écriture. Avec elle, elle crée quelque chose de beau. Ouvrir son cœur, signifie se confier. Un travail émotionnel, un travail de régulation, de contrôle. « Ce contrôle m’a toujours manqué. » Les autres lui sont étrangers.
    « Ouvrir son cœur, au sens littéral, ça évoque d’autres images. Ça saigne, ça fait peur. Ça peut être sale, noir, poisseux. Ce n’est pas un spectacle très digne, surtout quand la personne qui l’offre est une femme. Le sujet de ce livre, l’un de ses sujets, c’est la honte. »
    Parfois, elle n’a plus en elle les ressources émotionnelles nécessaires pour encaisser la moindre défaite. La colère fait crier des mots qui dépassent la pensée. Ou peut-être s’agit-il du fond de la pensée ? La colère quand elle parvient à s’échapper dévaste au passage. Alors, elle écrit...mais elle ne termine aucun texte. « Finir quelque chose, c’était l’abandonner. »
    C’est le carnet de celle qui lit beaucoup. Celle qui observe les autres qui se détachent d’elle Les autres sont une petite nuée d’oiseaux qui se dilate et se contracte. Une nuée qui l’attrape puis la rejette.
    Elle est du côté du manque, mais aux autres aussi il manque quelque chose, quand on veut tous être pareils, tous unis. Elle est une.
    Ouvrir son cœur d’Alexie Morin, Le Quartanier.