De loin on dirait des mouches

Kike Ferrari

Albin Michel

  • Conseillé par
    11 avril 2019

    Luis Machi a réussi et il en profite. Les plus belles filles se vautrent dans son lit, la meilleure cocaïne lui gonfle les narines.
    Luis Machi a réussi et il l'affiche. Ses costumes, griffés, viennent d'Italie, ses cigares de Cuba, sa montre est suisse et sa femme vient ''de la haute''. Luis Machi a réussi et il s'offre tous ses caprices. Le dernier en date : une BW flambant neuve dont il a lui même choisi les sièges, doux comme une peau de bébé.
    Louis Machi a réussi et il tombe de haut lorsqu'il découvre un cadavre dans le coffre de sa BM. Un homme mort d'une balle en pleine face, un corps sanguinolent attaché par une paire de menottes en fourrure rose.
    Alors Luis Machi panique, s'énerve et s'interroge. Qui ? Pourquoi ? Comment ?
    Luis Machi a réussi et il n'a pas d'ennemis. Alors qui a décidé de lui gâcher la vie avec ce cadavre ? Son chef de la sécurité un brin sadique ? Un concurrent mécontent ? Un employé vindicatif ? Sa femme ? Son fils ? Son futur gendre ? Un fantôme venu du passé ?
    Luis Machi a réussi mais il est tout seul. Il ne peut plus faire confiance à personne. Lui qui est arrivé au sommet sans jamais se salir les mains va devoir se débarrasser de l'encombrant cadavre et effacer les preuves compromettantes, pour pouvoir rentrer chez lui, les mains toujours propres et l'esprit léger.

    De loin on dirait des mouches et de près on dirait bien que Luisito est dans la panade. Jusqu'au cou. Et c'est bien fait pour lui ! On se délecte des ennuis de ce parvenu sans foi ni loi qui a réussi en écrasant, en dénonçant, en humiliant. Look bling-bling de nouveau riche, cocaïnomane, mari infidèle, père intransigeant, patron tyrannique, ce Luis Machi est détestable et on aime le détester. À travers ce personnage de chef d'entreprise, Kike Ferrari égratigne la société argentine et les puissants corrompus, corruptibles, amoraux, immoraux qui se sont enrichis durant la dictature et ont continué leurs magouilles en graissant la patte des politiciens élus.
    Six heures dans la vie d'un pourri, à le regarder s'engluer, s'enfoncer, s'angoisser, récolter ce qu'il a semé. Six heures jubilatoires malgré la noirceur du personnage et de son monde. Une très belle découverte.