Cette France qu'on oublie d'aimer

Andreï Makine

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    16 août 2010

    Le livre de Makine on l'aime ou on le quitte

    C’est un petit livre qui se lit d’une grande respiration. C’est un grand livre qui donne du baume au cœur. En rédigeant « Cette France qu’on oublie d’aimer », Andreï Makine dresse une ode au pays qu’il a adopté, au pays qui l’a accepté. L’histoire commence à Sainte-Radegonde de Jard, où le monument aux morts de la commune offre, comme dans nombre de ses semblables, une litanie de noms d’hommes et de femmes « morts pour la France ». Avec ces noms de soldats ordinaires, Makine s’interroge sur « cette France lointaine et mystérieuse dont je rêvais, enfant (…) ». Et d’évoquer Georges Clemenceau, cet homme politique du début du 20ème siècle à l’humour affuté, qui demanda à être enterré debout. « Pour avoir un vécu digne de l’histoire, un pays doit se transcender dans un défi méta-historique de l’esprit. Clemenceau qui a été remplacé, à la présidence de la République, par M. Deschanel qui a eu, un jour, le charmant caprice de quitter son train en pyjamas. Ainsi va l’histoire. Tandis qu’au château de Colombier veille toujours un soldat dressé dans sa tombe. Ainsi va l’esprit », assène l’écrivain. Et de citer le cahier des charges de la francité en reprenant Bernanos : « Bon sens : exclusivité française, avec l’élégance, l’esprit, la galanterie, et d’une façon générale, le génie ». Et d’évoquer le français, pendant longtemps langue de l’Europe, langue du monde, dont certains voudraient voir l’abandon pour se livrer, tels les bourgeois de Calais, à l’Anglais et sa force vernaculaire sensée percer tous les barrages de la communication internationale.

    « Comme Hugo sur son île »

    « En adhérant à la francité, on obtenait l’accès à un monde intellectuel et artistique d’une richesse et d’une productivité sans égales. En renaissant dans cette langue (car il s’agit bien d’une seconde naissance), on recevait en héritage les trésors des plus dynamiques des cultures », analyse ce russe de naissance et ce français de cœur et de raison. Makine fustige la pensée unique qui oblige à ne pas se saisir des questions essentielles de l’identité nationale, au sens non partisan du terme, et se laisser berner par le mirage du communautarisme comme remède aux maux de notre société. « Et si on pouvait se relever et parler à voix haute ? Comme Voltaire à ses meilleures heures. Comme Hugo sur son île ».

    C’est de la décadence des idéaux de la France, humaniste, républicaine, universelle dont Makine dresse, en filigrane, le portrait, appelant l’écrivain De Gaulle à la rescousse, « Maintenant que la bassesse déferle, ils regardent le Ciel sans blêmir et la Terre sans rougir ». Si le livre est écrit en 2005, alors que déjà, des événements violents bousculent les banlieues et s’adresse clairement à celui qui présidera la France, il ne perd pas de son actualité aujourd’hui. « Si vous n’êtes pas Français, soyez digne de l’être ».