Les petites chaises rouges

Edna O'Brien

Sabine Wespieser Éditeur

  • Conseillé par
    1 novembre 2017

    Ouvrir un livre d'Edna O'Brien, c'est retrouver un univers dans lequel il faut accepter d'entrer par immersions successives. Celle qui m'a prêté ce roman, avec qui j'en ai ensuite longuement discuté, utilise un adjectif que je lui emprunte de plus en plus souvent: "clivant". On peut dire qu'Edna O'Brien est une auteure clivante, comme l'ont prouvé les avis divergents du jury du Prix des lectrices de Elle qui m'avait permis de la découvrir. Elle procède par circonvolutions pour construire son récit, tournant autour du point où elle souhaite nous mener, nous perdant parfois en route. Mais j'aime me perdre entre ses lignes. Lors de notre debriefing, nous avons remarqué que chacune de nous avait oublié des passages du livre, tant il est difficile de se concentrer sur tout. Et peu importe. Ce roman traite du sentiment de culpabilité lié au fait d'aimer un monstre, d'avoir manqué de lucidité dans le choix amoureux et sur la difficulté de s'en remettre. Certaines scènes sont très fortes, comme si elles étaient les points vers lesquels tous ces détours devaient nous mener. Et puis, lire Edna O'Brien, c'est n'avoir aucun doute quant au fait que nous lisons bien un objet littéraire. A 85 ans, l'auteure n'a rien perdu de son talent.


  • Conseillé par
    8 novembre 2016

    Irlande, Sarajevo

    Oui, il est question des massacres de Sarajevo ; oui, il est question du Boucher qui a permis ces crimes contre l’humanité. Mais il est également question des autres personnes déracinés par la guerre et qui arrivent à Londres ou ailleurs après avoir fui la violence.

    L’auteure propose un triste constat : Vlad arrive dans le village irlandais plein d’une science de la nature qu’il fait partager aux villageois (massages et décoctions de plantes) ; mais au Tribunal Pénal International, il est incapable de reconnaître ses crimes, accusant les Puissances occidentales d’avoir mis des cadavres d’anciennes guerres dans le marché de Sarajevo pour faire croire à un massacre. Jamais personne n’est tout blanc ou tout noir.

    De même le père de la petite fille qui la cache aux services sociaux pense faire son bien. Le mal revient bien des visages…..

    L’histoire de Fidelma m’a moins touchée, pourtant personnage central du roman. Elle est une femme qui fait des choix. Et elle les assume jusqu’au bout, se retrouvant déracinée elle aussi : la communauté de son village ne lui ayant pas pardonné.

    La langue de l’auteur est à la fois plaisante et déroutante : elle sait évoquer l’Irlande et ses paysages aussi bien que le Londres de la City ; nous laisser deviner les différents personnages et leurs caractères ; mêlant vocabulaire soutenu et plus trivial.

    Un roman important.

    L’image que je retiendrai :

    Celle des petites chaises rouges du titre, symbolisant le nombre d’enfants tués pendant le siège de Sarajevo. Combien de petites chaises rouges pour les enfants morts dans d’autres guerres…..

    alexmotamots.fr


  • Conseillé par
    16 août 2016

    Les petites chaises rouges nous font découvrir une histoire inspirée de la réalité, celle de Fidelma, victime d'un séducteur hors du commun et monstrueux, mais aussi celle de bien d'autres hommes et de femmes victimes de la barbarie humaine.
    La première partie du roman qui se passe dans un village irlandais m'a passionnée. L'écriture au rythme chaotique ne laisse pas place à la respiration, coupe le souffle par ses tours et détours, sa capacité à changer de forme et de ton qui nous transporte sans préavis dans les pensées ou les rêves des différents personnages.
    Par contre, je suis très réservée quant à la crédibilité du moment clé du roman, celui qui précipite le destin de Fidelma et justifie le titre. Ce manque de vraisemblance donne au roman un coté mal fichu qui l'entache et a refroidi mon enthousiasme pour le reste de la lecture.
    J'ai d'ailleurs moins apprécié la seconde partie du roman, dépouillée de tout intensité dramatique, qui décrit l'errance de Fidelma en exil à Londres, sa vie parmi d'autres réfugiés de toutes nationalités, traumatisés par l'atrocité des guerres qu'ils ont fui. Chacun y raconte son histoire, c'est bouleversant mais j'ai trouvé cette longue litanie de destins tragiques un peu lassante.
    Le récit retrouve toute sa force vers la fin, dans une dernière partie qui m'a donné des sueurs froides, lorsque Fidelma se sent le courage d'affronter la réalité pour pouvoir enfin se retrouver et avancer.
    Edna O'Brien nous offre ici un texte original et fascinant, à la croisée de plusieurs genres, qui surprend tant par son fond que par sa forme, qui déconcerte , dérange et laisse un goût étrange...


  • 16 août 2016

    Les petites chaises rouges

    Venant du Montenegro, Vladimir Dragan arrive en Irlande où il s’installe guérisseur dans un trou perdu. Dès sa 1° cliente une nonne du coin, il fascine celle-ci qui ressort revigorée de cette consultation. Fidelma, belle et mariée à un homme beaucoup plus âgé qu’elle tombe sous son charme. Mais l’idylle aura une fin rapide car Dragan est arrêté : il a vécu sous un faux nom à Cloonoila et est immédiatement inculpé de crimes contre l’humanité en Bosnie. Le titre du livre n’est pas sans rappeler les 11541 petites chaises rouges installées en 2012 à Sarajevo pour commémorer les victimes du siège de cette ville. Mais le vrai sujet de ce roman, c’est le destin de Fidelma, femme ordinaire, dont l’existence a été ravagée par cette brève histoire d’amour, sans jamais deviner que son amoureux éphémère était l’un des monstres les plus sanguinaires du xx° siècle. Elle s’exilera à Londres où elle finira par vivre de petits boulots. Ecrit avec beaucoup de tendresses et de compassions ce roman de la culpabilité et de la déchéance est un petit chef-d’œuvre.